290 HISTOIRE DE VENISE. valeurs métalliques, tuus les effets qui étaient présentés. En se mettant en état de rembourser à point nommé, on se mit dans le cas de rembourser moins. Il y avait à Venise plusieurs sortes de monnaies ; on choisit la meilleure pour être celle de la banque. Il fut réglé qu’elle ne compterait et ne paierait qu’en ducats effectifs, dont le titre était plus fin et l’altération moins commune que celle des autres espèces. Il en résulta que les porteurs d’un effet sur des particuliers avaient à courir le risque d’être payés en monnaie de bas aloi, tandis que le propriétaire d’une créance sur la banque était sûr de recevoir les meilleures valeurs. Ce système mérita à l’argent de banque une préférence sur l’argent courant, et augmenta le crédit de cet établissement. Peu à peu le gouvernement introduisit l’usage de faire certains paiements en valeurs sur la' banque, au lieu de les effectuer en espèces; il commença par admettre ces valeurs dans les caisses publiques sans difficulté; et quand cet usage eut été établi, une loi régla qu’on pourrait acquitter en argent de banque les leltres-de-change tirées soit du dedans, soit du dehors, quand elles s’élèveraient à plus de trois cents ducats. Il fut défendu de refuser ces valeurs lorsqu’il n’y aurait pas de convention contraire. C’était presque leur donner un cours forcé, et cependant on ne faisait aucune violence à la confiance. Afin de donner à la rotation de ces valeurs une rapidité extraordinaire, on ouvrit à chaque propriétaire de fonds un compte de débit et de crédit, qui leur permettait de transmettre leurs créances; et pour que l’on put effectuer ces transmissions facilement , et les accepter avec sûreté, il fallut commencer par déclarer que les créances sur la banque ne pourraient être soumises ni à la saisie, ni à l’hypothèque. Ainsi 011 multiplia les espèces en en faisant faire les fonctions par les valeurs de banque , et on soutint le crédit de ces valeurs , par l’exactitude rigoureuse du remboursement, quand il était demandé, par la bonté des monnaies qu’on y employait, par la commodité que ces valeurs offraient aux porteurs, et par le privilège dont elles jouissaient. C’était au prix de tous ces avantages que le gouvernement se trouvait avoir entre les mains une niasse considérable de fonds, qu’il pouvait faire valoir pour son compte, sans en payer aucun intérêt. 11 devint le banquier universel, il connut toutes les affaires des particuliers, et il sut si bien établir son crédit que, dans la suite, quoiqu’on n’ignorât pas qu’il employait les fonds de la banque, et malgré les nécessités qui l’obligèrent à fermer deux fois la caisse au comptant (en 1690 et en 1717), quoique enfin la | suspension des paiements se prolongeât pendant plusieurs années, les valeurs de banque continuèrent de circuler sans défaveur, parce qu’on était j sûr qu’elles seraient réalisées, et que le gouverne-' ment donnait l’exemple de les recevoir sans diffi-! culté. Enfin le gouvernement se trouva si sûr du crédit de ces effets, qu’il put grever les actions de la banque de deux dispositions onéreuses : la première était une retenue de dix pour cent sur les actions qui passaient d’un propriétaire mort sans enfants à scs collatéraux; par la seconde, l’État se déclarait héritier des actions appartenant à un propriétaire mortaô intestat et sans héritiers naturels. Il serait fort difficile de dire quel était le montant des fonds déposés dans cette caisse centrale du commerce; ils variaient nécessairement; on les évaluait, vers le milieu du xvni0 siècle, à cinq millions de ducats effectifs, et à la fin du même siècle, à quatorze ou quinze millions. Le gouvernement vénitien avait été obligé, dans diverses circonstances, de recourir à des emprunts, et les créances qui en résultaient étaient devenues des effets négociables, dont la valeur éprouva quelquefois de grandes variations. Il y avait deux sortes d’emprunts, les uns remboursables en vingt-cinq ou trente ans, et dont l’intérêt était de trois, quatre, cinq pour cent, payable pendant dix-huit ans. XX. Si j’entreprenais de faire connaître les monnaies de Venise, il faudrait, pour que cette digression fut de quelque utilité, suivre toutes les variations du système monétaire, et établir le rapport de la valeur des espèces vénitiennes avec celles des monnaies étrangères à diverses époques. Dans l’impossibilité d’entreprendre un pareil examen, je me borne à donner une notice sur les monnaies de la république, à la fin du xvmc siècle. Ce qui prouve, mieux que tous les raisonnements, la bonté du système monétaire des Vénitiens, c’est la faveur dont leurs espèces ont joui constamment chez l’étranger. Il y en avait de cuivre, de billon, d’argent et d’or. La seule pièce en cuivre pur était le bezzon, qu’on divisait idéalement en six deniers, car cette dernière monnaie était imaginaire. Le sol et le demi-sol étaient une monnaie de cuivre contenant un peu d’argent. La monnaie nouvelle en billon, ou le lraero,de 5, de 10, de 18, de 50 sols, valait intrinsèquement àpeu près le tiers de sa valeur nominale. Les monnaies d’argent étaient l’écu, pesant lo5 karats deux grains, poids de marc, valant en monnaie de compte 12 livres 8 sols. La justinc, ou le ducalon, pesant 15o karats 5 grains, et valant II livres.