358 HISTOIRE DE VENISE. Louis XII, Ferdinand céderait à son petits-fils les deux provinces de Naplcs qui lui étaient échues, qu’il en retirerait son armée, et que , jusqu’à la majorité de Charles, ces provinces seraient administrées par l’archiduc, et gardées par ses troupes ; que de son côté Louis XII céderait également ses provinces à sa fille, mais en conserverait la garde et l’administration. On voit que, par ce traité, le roi ajoutait le royaume de Naplcs à la dot de sa fille, à qui il avait déjà promis le duché de Milan. Ce n’était pas un léger inconvénient de préparer la grandeur future du jeune héritier des deux maisons rivales de la France; cependant, pour le moment actuel, cet arrangement, qui fut signé le 3 avril 1303, terminait d’une manière assez favorable les différents qui s’étaient élevés dans le pays de Naples. Les Espagnols venaient de s’obliger à l’évacuer; les Français au contraire y restaient. Les provinces qui formaient la part du roi d’Arragon étaient confiées au souverain des Pays-Bas, qui ne se trouvait pas placé avantageusement pour inquiéter les Français au fond de l’Italie. Ces négociations avaient fait différer le départ des armements. Les commissaires français qu’on envoya à Naples pour y procéder à l’exécution du traité, commencèrent par contremander, sur leur passage, toutes les troupes qui étaient prêtes pour cette destination. Ils firent désarmer les vaisseaux préparés à Marseille et à Gênes. Mais lorsqu’ils arrivèrent à Naples et qu’ils exhibèrent le traité au général espagnol, Gonzalve de Cordoue répondit que, malgré tout son respect pour l’archiduc qui l’avait signé, il ne pouvait recevoir des ordres que de ses maîtres, et que, n’en ayant point reçu, il n’évacuerait point le royaume. En effet, au lieu de voir arriver les ordres pour cette évacuation, on vit paraître, d’un côté une flotte qui amenait des troupes d’Espagne, et de l’autre un corps de deux mille Allemands, levés, de l’aveu de Maximilien, dans le territoire de l’empire, qui s’étaient embarqués à Trieste, et qui n’avaient pu traverser le golfe Adriatique sans que les Vénitiens y eussent consenti. Cet appareil de forces arrivant tout à coup, changeait la face des affaires. Les Espagnols se trouvaient supérieurs en nombre, et les Français n’avaient plus de renforts à attendre. Il n’en coûta à Ferdinand, pour colorer cette perfidie, que de désavouer son gendre,quifitàLouisXII de grandes protestations de sa bonne foi, et qui donna lieu d’en douter en s’évadant du territoire de France. XVII. Dès lors la fortune des Français déclina rapidement dans le royaume de Naples. Ils perdirent deux batailles, et bientôt après la capitale. Quel- ques points fortifiés qui leur restaient furent attaqués avec un art nouveau, invention communément attribuée à Pierre Navarre ou Navarro, Biscaïen, qui de l’état de palefrenier d’un cardinal, s’était élevé par son courage, au grade de capitaine dans l’armée espagnole. On essaya pour la première fois de faire jouer des mines sous les remparts des châteaux de Naples. L’explosion renversa une partie des murs, et, comme il arrive presque toujours dans les occasions où un accident, qu’on n’a pu prévoir, vient frapper l’imagination, l’étonnemerit ébranlant le courage à l’aspect d’un danger qu’on ne savait ni mesurer ni détourner, les assiégés se hâtèrent de parlementer pour la reddition des châteaux. Il y eut cependant une petite garnison qui fit assez de résistance pour être passée au fil de l’épée. Le royaume de Naples était perdu. Une nouvelle armée de huit cents hommes d’armes et de cinq mille Gascons se mit en marche, sous le commandement de Louis de la Trémouille, pour traverser l’Italie, et aller recueillir les débris des troupes françaises. Le seul point dans lequel elles tinssent encore était Gaëte, qu’une escadre avait heureusement ravitaillée; mais on pouvait à bon droit se méfier de la fidélité du pape et de César Borgia, qui devenaient cependant dans ces fâcheuses circonstances des alliés à ménager. Ils avaient poussé leurs usurpations même sur les villes et les princes que le roi protégeait. Il fallut dissimuler cette injure. La petite armée du roi devait recevoir un renfort de huit mille Suisses, qui se réduisit à deux. Elle se recruta, en traversant l’Italie, de cinq cents lances, que lui fournirent les Florentins, la ville de Bologne, le duc de Ferrare et le marquis de Mantoue. La Trémouille, à la tête d’à peu près dix-huit mille hommes, s’avancait vers Borne, qu’il ne pouvait laisser derrière lui sans s’ètre assuré, autant qu'il était possible, de la fidélité des Borgia. On savait qu’ils entretenaient des correspondances avec Gonzalve de Cordoue, et on ne pouvait pas douter qu’ils ne fussent prêts à trahir la France, à laquelle César devait sa grandeur, dès qu’ils y verraient leur sûreté. La Trémouille était à Parme et en marchant négociait avec le pape, lorsque la mort subite d’Alexandre VI vint changer la face des affaires. XVIII. C’est une opinion généralement établie que ce pape et son fils s’empoisonnèrent par mé-garde, le 17 août 1303, avec du vin qu’ils avaient préparé pour faire mourir quatre cardinaux. H y a quelques historiens qui révoquent ce fait en doute (1). (1) L’histoire ne doit prêter des crimes à personne, même