HISTOIRE DE VENISE. républiques ont sur les monarchies cet avantage, de voir tour à tour des hommes de caractères différents s’emparer de l’inlluence et proposer les partis les mieux adaptés aux circonstances actuelles. Il cite Fabius, qui sauva Rome par sa circonspection, et Scipion, qui, contre l’avis de ce même Fabius, détruisit la puissance de Cartilage, en transportant la guerre en Afrique. Voilà la circonspection et l’audace que le succès justilie tour à tour. Au commencement de cette guerre, Scipion aurait peut-être compromis la république : à la fin, si Fabius en eût été cru , elle n’aurait pas été délivrée do son ennemi. Remarquons qu’à Venise on n’avait pas cet avantage, que Machiavel attribue au gouvernement républicain; parce que les hommes, pris individuellement, y avaient trop peu d’influence. Venise fut inébranlable dans ses maximes; elle n’eu changea point avec le temps, et elle périt par son attachement à un système intempestif. L’armée vénitienne n’avait pas encore pris la position qui venait de lui être assignée, que les ennemis attaquèrent les frontières sur six points à la fois. Au nord, des détachements s’avancèrent jusqu’aux portes de Bergaine. Un corps de dix à douze mille hommes passa l’Adda , et emporta le poste de Trévi, où il prit seize cents Vénitiens. Des troupes sorties de Plaisance et de Lodi firent des courses dans le Crémonais; et le marquis de Mantouo se jeta sur Casal-Maggiore , tandis que la petite armée du pape s’avancait dans la llomagne, attirait dans une embuscade le corps chargé de la garde de cette province, le battait, et faisait capituler les petites places de Rregesilla, de Rullio, et même Faenza. On voit que la campagne débutait vivement d’une part, et assez malheureusement de l’autre. Petigliano s’empressa de réparer ces premiers revers, en reprenant la place de Trévi. La capitulation de cette ville n’empêcha pas les vainqueurs d’y commettre des excès, qui devinrent le prétexte de beaucoup d’autres. On en voulait aux habitants pour s’être rendus lâchement, et le sénat les punit en faisant démolir leurs remparts. C’était dans ce temps-là un privilège considérable pour les villes d’être à l’abri du brigandage qu’exerçaient les gens de guerre. VIII. Louis passa l’Adda à Cassano, sans éprouver aucune résistance, ce qui fut certainement une faute de la part du général vénitien. Celui-ci était principalement occupé de ne pas se laisser forcer à une action décisive. Les F'rançais lui présentèrent la bataille pendant quatre jours, sans qu'il fit le moindre mouvement pour aller à eux. Ils attaquèrent une petite place à la vue de son camp, sans pouvoir lo déterminer à en sortir. Fatigués de son immobilité, ils marchèrent sur Pandino pour couper ses coin munications avec Crème et avec Crémone. D’une part, Petigliano ne voulait pas laisser l’ennemi s’établir entre son camp et les places d’où il tirait ses approvisionnements ; de l’autre, l’impatient Alviane demandait à grands cris la bataille. Ce général, que son brillant courage avait élevé des derniers rangs de la milice aux premiers honneurs, savait apprécier une autre gloire que celle des armes. Au milieu du tumulte des camps, il avaitcultivé les lettres, et honoré ceux qui y excellaient. La ville de Porde-none, qu’il avait conquise et que la république lui avait donnée, était devenue l’asile des sciences. Il y avait formé une académie, qui devint célèbre, et dans cette campagne, il marchait entouré de trois hommesque leur réputation plaçait au premier rang parmi les littérateurs : c’étaient André Navagier, Jean Cotta et Jérôme Fracastor; mais la douceur de leurs entretiens ne lui faisait rien perdre de son ardeur martiale. L’armée de la république quitta sa position, et se mit en marche pour arriver à Pandino avant les ennemis qu’elle côtoyait, n’en étant séparée que par un marécage, et se canonnant avec eux chemin faisant. Le général vénitien, sans faire attention à celte canonnade , bâtait sa marche pour arriver le premier, et sa colonne avait pris assez d’avance pour que son arrière-garde, qu’Alviane commandait, se trouvât à la hauteur de l’avant-garde française. Celle-ci voyant que l’ennemi allait lui échapper, fit un mouvement pour franchir le marais et l’attaquer. Alviane se prépara à lui en disputer le passage, fit avertir Petigliano, et en reçut, pour toute réponse, l’ordre de ne pas perdre son temps àescar-moucher avec les Français, et de hâter sa marche, pour arriver dans la position que l’armée allait prendre, et où elle serait en sûreté. Mais, soit que ce message eût occasionné une perte de temps , soit qu’Alviane cédât „imprudemment à son ardeur , l’affaire se trouva engagée. Dans le commencement de l’action , les Vénitiens culbutèrent tout ce qui se présenta pour franchir le marais. Louis XII arriva , avec le gros de ses troupes, au secours de son avant-garde.Le corps de bataille de l’armée vénitienne fut obligé de rétrograder, pour venir dégager Alviane. L’actiondevint générale. Les Suisses et même la gendarmerie, qui voulurent s’emparer de la digue qui les séparait des Vénitiens, furent fort maltraités par l’artillerie de ceux-ci. Les Gascons, qui recommençaient l’attaque, ne s’y portaient pas avec cette vivacité qui annonce la confiance et promet le succès. Mais Louis Xll y accourut en personne; la Trémouille