L1V11E IV. U7 mer jusqu’à la ceinture, le heaume en tète, l’épée à la main. >> Dès qu’on put prendre terre, on jeta les ponts, les chevaux sortirent des vaisseaux, cl les chevaliers sc rangèrent en bataille à l’est du golfe, du côté de Ga-lata. L’armée impériale ne fit que de faibles efforts pour empêcher le débarquement; ils se bornèrent à quelques décharges contre les premiers qui abordèrent; ces 70,000 hommes, sans attendre le premier choc, se hâtèrent de rentrer dans Conslantino-ple, avec une telle précipitation, que l’avant-garde des Lalins pilla leur camp cl les tentes de l’empereur. La flotte vénitienne était à Fenlréc du port, l’armée au pied des murs du faubourg de l’éra; on y prit poste le soir même. Dans la nuit, la garnison de la tour de Galata, secondée par des troupes qu’on lui envoya de la ville, à travers le port, fil une sortie que les assiégeants repoussèrent avec vigueur. Les Grecs se jetèrent pour sc sauver, les uns dans leurs barques, d'autres vers la campagne; ceux qui voulurent regagner la tour furent si vivement poursuivis, que les croisés y entrèrent péle-méle avec eux et s’en emparèrent. XVIII. Au point du jour, et pendant que l’on combattait encore sur terre, les galères vénitiennes attaquèrent le port. Une chaîne de la longueur de quatre portées de flèche , soutenue par des pieux, en fermait l’entrée; derrière cette chaîne vingt galères grecques chargées de soldais et de machines lançaient contre les assaillants des pierres et des traits. Il fallait briser cette chaîne, pour s’ouvrir un passage au travers de la flotte ennemie. On avait préparé, pour la fompre, d’énormes ciseaux qu’une machine faisait mouvoir; des matelots s’élancaient sur la chaîne, pour travailler à en séparer les anneaux ou à couper les pieux qui la soutenaient; enfin un gros navire, dont le vent secondait l’effort, vint briser cet obstacle:les Vénitiens pénétrèrent dans le canal et prirent ou détruisirent tous les bâtiments qui s’y trouvaient. MX. Au fond du port coule une rivière assez large, dont les Grecs avaient rompu le pont. Il fui rétabli sans qu’ils osassent entreprendre de s’y opposer. L’armée, après avoir passé la rivière, vint camper sous le palais des Blaqucrnes, qui était fortifié. On ne pouvait pas penser, avec si peu de monde, à faire l’investissement d’une ville qui avait plusieurs lieues de lour. Les Français se bornèrent à attaquer une des portes:on prépara les machines, "n Iraça un camp, qui fui fermé de fortes palissades; une division entière de l’armée était de garde jour cl nuit; malgré ces précautions, les sorties étaient continuelles, 011 avait plusieurs alertes par jour, il fallait dormir et manger sous les armes. 11 est vrai que ces sorties étaient constamment repoussées; mais 011 y perdait toujours du monde et souvent de vaillants hommes. On ne pouvait s’éloigner du camp de quatre portées de trait; la disette était une suile inévitable de cette gène; il 11e restait de farine que pour trois semaines, presque point de viande salée, et on se voyait déjà réduit à manger des chevaux. Telle était au bout de dix jours la situation de l’armée assiégeante. On résolut de donner l’assaut. Les Vénitiens étaient d’avis d’attaquer du côté de la mer, qui leur paraissait plus accessible, et de dresser les échelles sur les vaisseaux, pour atteindre le haut des murailles. Cette manière de combattre n’était pas familière aux chevaliers français. Ils ne purent consentir à se priver de leurs chevaux et de leurs armes ordinaires. Il fut résolu qu’on ferait deux attaques à la fois, l’une par mer, du côté du port, l’autre par terre, à la porte du palais des blaqucrnes. XX. Deux divisions furent laissées en réserve pour la garde du camp, sous le commandement du marquis de Montferrat et de Mathieu de Montmorency ; les autres s’avancèrent pour donner l’assaut. On eut d’abord à combler le fossé; deux cent cinquante béliers, tours roulantes ou autres machines, commencèrent à jouer contre la muraille et à lancer une grêle de pierres et de flèches sur ceux qui la défendaient. C’étaient, de ce côté, des l’isans, qui avaient'fourni un corps auxiliaire à l’empereur: ainsi les Vénitiens trouvaient devant eux les rivaux de leur commerce prêts à leur disputer les remparts de Constanlinople. L’empereur, du haut d’une lour, était spectateur du combat; il avait confié le commandement de ses troupes à son gendre Théodore Lascaris. A peine la muraille fut-elle endommagée qu’on y appliqua les échelles. Cinq chevaliers et dix soldais parvinrent jusqu’au haut du rempart, où ils eurent à soutenir un terrible combat à coups de hache et d’épée. Pendant qu’on livrait cet assaut du côté des Bla-quernes, la flotte avançait, rangée sur une longue ligne; les uns avaient élevé des tours sur le pont de leurs vaisseaux, d’autres tenaient les échelles toutes prèles; quatre cents balistes lançaient des traits. « Ores pourrés ouïr estrange prouesse. Le duc de « Venise, qui vieil homme estoit et goutte ne voyoit, n tout armé sur la proue de sa galère, le gonfanon « de Saint-Marc par-devant lui, s’écriant aux siens n qu’ils le missent à lerre. » Il fut obéi, sa galère aborda la première; les Vénitiens, voyant leur chef cl leur étendard sur le rivage, se crurent perdus d’honneur s'ils ne les suivaient. Tout s'élança à la fois; les ponts-levis, les échelles, furent approchés de la muraille : du haut des vaisseaux, à l’aide do