LIVRE XXIV. 599 lagunes par les mouvements des Autrichiens. Un corps de six cents chevaux et de deux mille fantassins, sorti de Vérone, parcourait et ravageait impunément les provinces de la rive gauche de l’Adige, prenait plusieurs petites places, brûlait les villes de Cologna et de Soave, interceptait les communications, détruisait un pont que l’armée avait sur l’Adige, et tentait de surprendre Vicence. IX. Alviane, qui sentait que les événements décisifs devaient se passer dans le Milanais, ne se serait inquiété que faiblement de ce qui se passait derrière lui, malgré les cris des Vénitiens, et le bruit répandu que les autrichiens attendaient du Tyrol un renfort considérable ; mais sitôt qu’il eut appris le désastre de Novarre, croyant qu’il allait avoir sur lui les Suisses et les Espagnols, il se porta à grandes journées sur l’Adige, se retirant avec une telle précipitation qu’il abandonna quelques pièces d’artillerie qui retardaient sa marche. A peine jeta-t-il une faible garnison dans Crémone ; et, pour ne pas diminuer sa petite armée, il laissa Brescia sans défense. En passant auprès de Legnago, il fit attaquer celte place, que Paul Baglione eut la gloire d’emporter d’assaut, et dont on fit sauter les fortifications. Ensuite Alviane jeta un pont sur l’Adige, et tombant tout à coup sur Vérone, en canonna vivement un bastion, fit écrouler quelques toises de mur, et livra, en un jour, sur la brèche, deux combats sanglants, qui n’eurent point de succès. Les Espagnols sortirent de leur inaction aussitôt que la bataille de Novarre eut décidé du résultat de la campagne. Us prirent Crémone, Bergame, Brescia, que les Vénitiens évacuaient, et Peschiera, qui ne se défendit que faiblement. Enfin les Vénitiens furent réduits à se renfermer dans Trévise et dans Padoue. Paul Baglione se chargea, avec trois mille hommes, de la défense de la première de ces deux places, et Alviane entra dans la seconde avec le reste de l’armée. Ces deux villes étaient les seuls boulevards qui restassent à la république; aussi le sénat, redoutant cetle infatigable activité dont Alviane venait de donner de si brillantes preuves, lui défendit-il de faire sortir ses troupes sous aucun prétexte et quoi qu’il pût arriver au dehors. On juge bien qu’en devenant les alliés du roi de France, les Vénitiens avaient perdu tout espoir de voir les Suisses tenir l’engagement qu’ils avaient pris de leur fournir des troupes» Le pape et le roi d’Arragon firent de nouveaux efforts auprès de la république, pour l’engager à (t) « Noslre saint-père le pape a faict entendre aux ambassadeurs de Venise qui cognoit assis clairement la caulelle et maie voulontédesVenissiens,et que au cas qu’ils ne s’accordent briefvement avec la majesté impériale qu’ils se accepter la paix avec l’empereur (1), le seul des coalisés à qui il restât des réclamations à former contre elle. Mais Maximilien demeurant inébranlable dans ses prétentions, comme le gouvernement vénitien dans ses refus, les deux puissances médiatrices se déterminèrent à agir en ennemies, et une armée composée d’Allemands, d’Espagnols et de deux cents gendarmes du pape, vint mettre le siège devant Padoue. La place était bien approvisionnée : les fortifications étaient dans le meilleur état; beaucoup de jeunes patriciens accouraient pour partager la gloire de cette défense. Les paysans des environs s’étaient réfugiés dans la ville, ou éloignés, de sorte que les assiégeants manquèrent de bras pour leurs travaux. L’armée des confédérés , n’étant pas beaucoup plus forte qne la garnison, reconnut bientôt l’impossibilité de soumettre la place. Après l’avoir menacée pendant dix-huit jours, elle en leva le siège, et le résultat de cette entreprise manquée fut, comme de coutume, la désunion des confédérés. Le général espagnol, piqué du mauvais succès de celte tentative, des reproches que les Allemands lui adressaient, embarrassé pour faire vivre ses troupes, pour les payer , et se doutant bien que l’armée qui gardait Padoue avait reçu défense d’en sortir, se mil à ravager tout le pays qui restait aux Vénitiens. Il saccagea les villages, pilla les belles maisons de campagne que les riches habitants de Venise avaient sur les bords de la Brenta et du Bacchi-glione, mit en cendres les villes de Mestre, de Mar-ghera, de Lizza-Fusina ; et, pour ajouter une bravade à tant de ravages, fit avancer sur le bord des lagunes dix grosses pièces d’artillerie qu’il pointa sur Venise, et dont quelques boulets portèrent jusqu’au monastère de San Secondo , à quelques cents toises de cette capitale. De la place Saint-Marc, on entendait lecanonde l’ennemi, on voyait les villages en feu. X. Alviane demandait à grands cris la permission de sortir de Padoue , pour tomber sur ces pillards, dont il assurait que la défaite devait être facile. Le gouvernement, vaincu par ses sollicitations, et par les plaintes des citoyens, donna enfin à son général l’autorisation qu’il attendait si impatiemment. Alviane courut sur les Espagnols, avec l’espoir de les empêcher de repasser la Brenta, et en effet il arriva sur ce fleuve avant eux, précisément sur le point où ils se présentèrent. L’ennemi fit mine de vouloir remonter la rivière pour la passer plus haut. Quand démonstrera eslre le plus grand ennemy qu’ils ayent. » (Dépêche de Maximilien Sforce à Marguerite d’Autriche. Recueil des lettres de Louis XII, t. IV, p. 185.)