LIVRE PREMIER. 3 n domine l'Italie, conquis Constanlinoplc, résisté à une ligue de tous les rois, fait longtemps le com-ncrce du monde, et laissé aux nations le modèle iilu gouvernement le plus inébranlable queleshom-tnes aient su organiser. f III. Les Romains donnaient le nom de Yénétie à une province septentrionale de l’Italie, située sur le bord de la mer Adriatique, entre les Alpes Juliennes et le Pô. Les habitants de ce territoire portaient le nom de Vcnètes. Ce nom rappelle une ville fort ancienne, qui existait sur la côte méridionale de l’Ar-Imorique; et, en effet, on voit parmi plusieurs ^■émigrations des peuples des Gaules, une expédition lil à laquelle les habitants de Vannes prirent part, ,àù qui se dirigea au delà des Alpes et se répandit dans ■ toute la partie supérieure de l’Italie. Justin en a I fait mention, et on cite plusieurs auteurs qui attes- ■ tent cette tradition. Sabellicus, l’un des plus anciens historiens de ■ Venise, expose que, selon les uns, les anciens Véni- ■ tiens venaient d’un peuple des Gaules appelé Ve- ■ nètes; ils n’en avaient pas seulement conservé le ■ nom, mais les habitudes, le goût de la mer et du ■ commerce. Polybe remarque entre ces deux peu- ■ pies diverses conformités dans les usages, et jusque ■ dans la manière de se vêtir; mais leur langue n’é- I lait pas la même. D’autres soutiennent que les «Vénitiens vinrent de la Paphlagonie. Tite-Live I confirme cette opinion; il dit qu’après la perte de M l’ylémènes, leur chef, qui mourut au siège de H Troie, les débris de ce peuple vinrent s’établir en Italie, sous la conduite d’Anténor. Caton fait aussi descendre les Vénitiens des Troyens. Gornelius-Nepos trouve l’étymologie de leur nom dans celui des Henètes. L’existence d’un ancien bourg appelé Troie, au fond du golfe Adriatique, vient à l'appui de ces conjectures. L’opinion qui fait venir les Vcnètes de la Paphlagonie a trouvé de nombreux partisans. Ils racontent que cette province, située sur la côte septentrionale de l’Asie-Mincure, était habitée par un peuple appelé les Henètes, ce qui est incontestable, car Homère les comprend dans le dénombrement de l’armée troyenne, et Homère fait autorité. Tous les historiens parlent de la colonie d’Anténor. Les Henètes existaient dans la Paphlagonie, voilà ce ilont on ne peut douter ; ils émigrèrent vers l’Italie, :cla n’est pas moins constant; une autre autorité ■n fait foi. L’empereur Justinien dit, dans ses Con-^ tlitutions, que les Paphlagoniens, nation ancienne » it1 Pas sans gloire, avaient envoyé de jffiiombreuses colonies en Italie, dans le pays connu I'*ous le nom de Vénétie. On oppose à ceux qui veulent que les Venètes oient venus de l’Armorique, une objection qui est de quelque poids. Les Venètes se montrèrent constamment les alliés de Rome, contre la colonie gauloise établie dans le voisinage : or, dans la supposition qu’on veut faire adopter, cette inimitié n'aurait pas été naturelle; si ces deux peuples eussent eu une origine commune, il est vraisemblable qu’ils se seraient aidés mutuellement à se maintenir dans leurs conquêtes. Les traditions qui donnent aux Venètes une origine asiatique, ne sont pas nouvelles pour les amateurs de l’antiquité. Ils ont dans la mémoire ces beaux vers : Anlenor potuil. mediis elapsus Achivis, Illyricos penelrare sinus, alque Intima tutus Régna Llburnorum, et fonlem superare Tiinavi, Unde per ora novem, vaslo cum murmure montis, It marc proruptum,et pelago promit arva sonanti. Hic tandem illc urbem Patavi sedesque locavit Teucrorum, et ijenti nomen dédit, armaque fixit Trola. Trompant le fer des Grecs, cherchant une patrie, Anténor fuit au* mers qu’enferme l’Illy rie ; Des bords liburniens. en naufrages fameux, Sa nef sillonne en paix les canaux sinueux; Il franchit le Titnave et ces grottes profondes D’où le fleuve en grondant va refouler les ondes, Donne des noms chéris à des peuples nouveaux; Et, dans l’adouc enfin, terme de ses travaux, Ses compagnons lassés, désormais sans alarmes, Ont retrouvé Pcrgame et suspendu leurs armes. On voit que les écrivains latins adoptent généralement l’opinion qui donne aux Venètes une origine troyenne. Le géographe Slrabon les fait venir de l’Armorique. Dion Chrysostômc veut que leur établissement en Italie soit antérieur même à la prise de Troie. Un savant moderne a entrepris de substituer un nouveau système à ces diverses traditions. L'abbé Dcnina a ouvert un vaste champ aux conjectures, lorsqu’il nous a appris que « les Anciens appelèrent tantôt Sarmates, tantôt Scythes, quelquefois Vcnètes, puis Slaves, Esclavons, tous les peuples qui ont habité les vastes régions qui s’étendent depuis le Tanaïs jusqu’à la Vistulc, entre le Danube et la mer Baltique. Selon lui, on appelait en général Vcnètes les peuples qui en occupaient la partie occidentale, surtout la Prusse. Ensuite les mêmes Venètes et les Flamands furent appelés Slaves ou Esclavons; et c’est plus particulièrement de ceux-ci que les Polonais, les Russes et une partie des Bohémiens seraient descendus. Mais tous les peuples, Vcnètes, Slaves, Sarmates, étaient de race scythe.» La plupart des historiens vénitiens ont adopté la tradition consacrée par Virgile, et tâché de lier l’histoire de leur patrie à celle de ces illustres vaincus, dont tous les peuples ont la vanité de vouloir descendre.