LIVRE XXIII. Ô87 de paraître à l’armée ; il y envoya, comme légat, le cardinal de Médicis, à qui la fortune réservait le pontificat, et la gloire de donner son nom à son siècle. L’armée du roi arriva à Finale dans les premiers jours du mois d’Avril. Elle avait reçu quelques renforts, et se trouvait composée de seize cents gendarmes et de dix-huit mille hommes d’infanterie, parmi lesquels on comptait cinq mille Gascons, mille Picards, mille aventuriers, cinq mille lansquenets; le resle était des Italiens. Le duc de Ferrare vint joindre Gaston avec cent gendarmes et deux cents chevau-légers ; mais il lui amenait un secours plus important, c’était une excellente artillerie. L’arsenal de Ferrare était alors le mieux fourni de l’Europe, après celui de Venise. Les troupes des alliés, au lieu de s’accroître, s’étaient affaiblies. Elles consistaient en quatorze cents gendarmes, mille chevau-légers, sept mille hommes d’infanterie espagnole, et trois mille Italiens. On attendait six mille Suisses, que le pape et les Vénitiens avaient pris à leur solde; aussi les généraux étaient-ils bien déterminés à se conformer aux instructions du roi d’Arragon, qui avait recommandé à Cardonne de ne pas oublier qu’à la guerre il faut moins s’attacher aux faits éclatants qu’aux résultats, et que la gloire est d'atteindre son but. Les alliés, voyant les Français arriver avec de si grandes forces et avec une résolution si positive de terminer la guerre par une bataille, mirent tous leurs soins à l’éviter. Dès qu’ils les surent à Castel-Guelfo, ils se replièrent sur Imola. Le lendemain, quand Gaston parut à un mille de cette place, il les trouva en bataille et retranchés dans leur camp. Quand ils quittèrent cette position, ce fut pour prendre celle de Castel-Bolognese; et, de position en position, ils reculèrent jusque sous le canon de Faenza, pour éloigner l’ennemi de ses magasins, se présentant toujours en ordre de bataille, les canons en batterie et dans des postes difficiles à attaquer. Le général espagnol, sans jamais s’écarter de son plan, laissa tranquillement les Français enlever, sous ses yeux, quelques places de médiocre importance, et se contenta de jeter une garnison dans Ilavenne, qu’il ne pouvait abandonner. Le pays entre Ferrare et Ilavenne est coupé par une vingtaine de rivières, qui coulent parallèlement de l’Apennin vers l’Adriatique. Ces accidents du terrain offraient naturellement beaucoup de positions défensives, et ne permettaient pas aux Français de s’avancer fort au delà de celle qu’occupait l’armée combinée, parce qu’ils se seraient exposés à n’avoir plus de communications avec le Pô. Gaston, obligé par l’insuffisance de ses approvisionnements, de presser les opérations, fut averti qu’un courrier venait d’arriver dans son camp. Il avait été expédié de Rome par l’ambassadeur de l’empereur, et il portait au commandant des lansquenets, l’ordre de quitter sur-le-champ l’armée du roi, avec tous les Allemands. Cet ordre, venant de Rome et non de Vienne , avait l’air de n’être donné qu’au nom du pape. Les lansquenets, pour être Allemands, n’étaient pas des troupes de l’empereur. Enfin il était difficile de se séparer sans honte, la veille d’une bataille, de gens tels que Gaston, la Palisse, Lautrec et Bayard. Le commandant alla consulter le chevalier sans peur et sans reproche, qui le détermina à rester encore quelques jours à l’armée. C’était, pour Gaston, une raison de se hâter, et de forcer l’ennemi à combattre. Pour cela, il alla droit à Ravenne, se posta entre les deux rivières qui font le tour de cette ville, la canonna vivement, et fit donner un assaut avant que la brèche fût praticable. Quoique cet assaut eût été vaillamment repoussé, le générai espagnol dut craindre, à la vivacité de cette attaque, que la place ne succombât. Aussi vit-on arriver, deux jours après, toute l’armée de l’union, par la rive droite de la petite rivière de Ronco, dont les Français occupaient la rive gauche. Aussitôt l’arméedu roi se mit en bataille. Gaston délibéra s’il passerait à l’instant la rivière, pour se placer entre Ravenne et les alliés; mais il ne crut pas pouvoir exécuter ce passage assez promptement. Ceux-ci au contraire ne doutèrent pas qu’il ne l’effectuât, et, au lieu de profiter du temps pour se jeter dans la place, ils s’arrêtèrent à deux ou trois milles, et élevèrent des retranchements autour de leur camp. Le 11 avril 1812, à la pointe du jour, Gaston fit passer le Ronco à toute son armée, ne laissant qu’une faible réserve pour contenir les assiégés, et se déploya en demi-cercle dans la plaine, en marchant vers les alliés, qui l’attendaient en bataille derrière leurs retranchements. L’aile droite de l’armée du roi, qui s’appuyait au Ronco, était commandée par le duc de Ferrare, qui avait sous ses ordres sept cents gendarmes et cinq mille lansquenets. Au centre, on voyait l’infanterie française, forte de huit mille hommes; pins loin, cinq mille fantassins italiens; et à l’extrême gauche, trois mille archers et chevau-légers. Enfin, en arrière du corps de bataille, était le reste de la gendarmerie, sous les ordres de la Palisse, lequel avait à ses côtés le cardinal de Saint-Severin, qu’à son armure cl à son ardeur martiale, on aurait pris pour un capitaine plutôt que pour le légal du concile. Les alliés avaient à leur gauche, c’est-à-dire près de la rivière, huit cents gendarmes, puis six mille