HISTOIRE DE VENISE. LIVRE XXII. MGBE OF. CAMBRAI, 1 500. — GUERRE I)E LA LIGUE DE CAMBRAI. — CAMPAGNE DE 1Ü0Î). — BAT AI 1,1,E d’aGNADEL. — I.ES VÉNITIENS PERDENT TOUTES LEURS PROVINCES DETERRE-FERME.— LEUR AMBASSADE A L'EMPEREUR.— ILS SURPRENNENT PADOL'E ET VICENCE.—SIEGE DE PADOUE.— ILS SE RÉCONCILIENT AVEC I,E PAPE. I. La fortune avait secondé les Vénitiens au delà de leurs espérances. Ils avaient dissipé, dès le premier choc, les troupes d’un ennemi à qui son indigence ne permettait pas de renouveler le combat. Ils pouvaient se dire les vainqueurs de l’empereur et de l’empire. Jamais leur puissance ne s’était élevée si haut qu’en ce moment. Mais la trêve les brouilla avec Louis XII, sans les raccommoder avec Maxi-milien. Il faut en convenir, la conduite du roi était fort difficile à prévoir, car elle est encore aujourd’hui impossible à expliquer. 11 venait d’entamer une nouvelle discussion avec Maxitnilien pour l’administration des Pays-Bas, qui revenaient au jeune Charles d’Autriche, par la mort de l’archiduc son père. Malgré tant de différents avec l’empereur, il exigea des Vénitiens qu’ils ménageassent un ennemi vaincu; et quand il fut question do la trêve, les prétentions de la France, qui n’avait pris qu’une très-faible part à la guerre, allèrent jusqu’à vouloir y faire comprendre le duc de Gueldre, avec lequel les Vénitiens n’avaient pris aucun engagement. Il n’était pas raisonnable que, pour l’avantage d’un prince à qui ils ne devaient aucun intérêt, ils laissassent échapper une occasion favorable d’avoir une trêve de trois ans, qui les mettait en possession de leurs conquêtes. Louis Xll leur en fit un crime. Il avait tort, il devait à la république la sûreté actuelle du Milanais ; et bientôt après, il éprouva encore, de sa part, un bon procédé, qu’il ne sut pas assez reconnaître, et qu’il aurait dû imiter. Maximilien était assuré du côté des Vénitiens, puisqu’il venait de conclure avec eux une trêve, qu’il n’était pas de leur intérêt de rompre. Mais il demeurait en état de guerre avec le roi, et ne se sentant ni assez fort, ni assez riche pour la faire avec avantage, il fit proposer à la république de convertir la trêve qui venait d’être signée, en traité de paix définitif, et même en alliance offensive, c’est-à-dire de se liguer avec lui, pour attaquer le roi et se partager ses Élats d’Italie. Le seul usage que les Vénitiens firent de l’empressement que l’empereur avait mis à les rechercher, fut d’en donner avis au roi. C’était aller fort au delà de ce qu’exigeaient les maximes de cette république : le roi ne fut point touché de cette ostentation de loyauté, et Maximilien eut le droit d’être fort choqué de cette indiscrétion. Il- pouvait l’être aussi de quelques excès qui avaient signalé la joie des Vénitiens après leur victoire. C’était un soin que leur gouvernement ne négligeait pas, d’amuser le peuple par des fêtes, et d’augmenter l'éclat de sa capilale par des solennités, qui y attiraient toujours un grand concours d’étrangers. On prépara au général victorieux une réception qui fut un pompeux spectacle. Dans ces réjouissances, l’esprit rallieur et satirique des Vénitiens n’épargna pas l’ennemi qu’ils venaient d’humilier. La peinture, la gravure qui était alors un art nouveau, le théâtre, exposèrent Maximilien et ses Allemands à la risée publique, et les gondoliers de Venise se vengèrent, par des chansons populaires, de l’effroi que l’empereur leur avait causé. On en fit un grand crime au gouvernement; on ne sentit pas qu’il est indispensable, dans les républiques, d’entretenir l’esprit de dénigrement contre