22 HISTOIRE DE VENISE. ne jamais souffrir le retour, fut celui que, dans la nouvelle élection, les suffrages appelèrent au trône. Trois cents barques allèrent le chercher à Ravenne, et son entrée dans Venise fut un triomphe et un scandale (9o2). Le royaume d’Italie venait de changer de maître. Othon en avait chassé Béranger. Il importait à la république que cet empereur voulut bien s’en tenir avec elle aux termes des anciens traités qu’elle avait faits successivement avec les divers possesseurs de l’Italie supérieure. Le nouveau doge lui envoya une ambassade à Rome, et les traités furent renouvelés. Pendant que Venise consolidait ses relations de bon voisinage avec l’empereur d’Occident, ellé n’oubliait pas que c’était dans l’Oricnt qu’étaient scs relations de commerce et son allié naturel. Ses vaisseaux fréquentaient les ports du Levant, et fournissaient aux Musulmans nouvellement établis sur ces côtes tout ce que l’Europe offrait à leurs commodités ou à leurs besoins. L’esprit de trafic s'étendait sur tout, même sur le commerce des armes et des esclaves (1). Mais l’empereur grec, qui méditait des projets contre ses nouveaux voisins, exigea que le doge défendit aux Vénitiens, sous les peines les plus sévères, de fournir aucuns secours aux infidèles. Tels sont les actes extérieurs du gouvernement de Pierre CandianoIV. A l’intérieur, son administration fut tyrannique. 11 donna un exemple jusqu’alors inouï. 11 répudia sa femme, dont il avait un fils, relégua la mère dans un couvent, força le fils à entrer dans les ordres sacrés, se remaria avec une petite-fille de Hugues, roi des Lombards, et connue elle avait quelques droits sur certaines villes d’Italie, il lit la guerre pour les soutenir. Les Vénitiens ne pouvaient voir qu’à regret le sang de leurs concitoyens répandu pour les intérêts privés de leur doge. Celui-ci, qui craignait les suites d’un mécontentement qu’il avait fait naître, s’avisa de prendre des précautions contre le peuple et d’introduire une garde dans son palais, ce qui était sans exemple. Cet acte de prudence ne fut jugé que comme un trait d’orgueil. La hauteur indispose peut-être encore plus que la tyrannie. Une foule immense se porte vers le palais. La garde repousse les assaillants. Désespérant de le forcer, on met le feu à tous les bâtiments qui l’environnent; l’église de Saint-Marc, plusieurs autres (1) Parmi les présents que Luitprandt, ambassadeur de lîé-ranger, offrit à l’empereur de Consianlinople. en 918, ¡1 y avait des esclaves, dont quatre étaient entièrement mutilé? sortes d’eunuques de très-grand prix.La ville de Verdun était alors en possession de cette branche de commerce. édifices, trois cents maisons, sojiten flammes. L’incendie gagne le palais, toutes les issues sont assiégées par une populace furieuse. Le doge, poursuivi par les flammes, veut s’échapper; il tient dans ses bras un jeune fils qu’il avait eu de sa seconde femme. Partout il trouve les passages fermés. Il implore la pitié de scs ennemis, rappelle les services de son père, présente son fils, réclame l’humanité en faveur de cet innocent, demande à être jugé, se soumet à tout. Il n’était plus temps : le peuple furieux se précipite sur lui, le massacre impitoyablement ainsi que l’enfant, et jette leurs corps à la voirie. XVI. Les excès qu’on avait eus à reprocher à ce doge déterminèrent tous les suffrages en faveur d’un homme d’un caractère tout opposé. Pierre Urseolo, qui fut élu , n’accepta cette dignité qu’avec la plus sincère répugnance. Sa piété était éminente, sa libéralité digne de sa fortune. Il fit rebâtir à ses frais le palais et l’église Saint-Marc, détruits dans la dernière sédition. Ces soins pieux ne l’empêchèrent pas de marcher en personne au secours^ des habitants de la Pouille, attaqués par les Sarrasins, et il remporta une victoire éclatante sur ces infidèles. De retour à Venise, il continua de gouverner avec beaucoup de sagesse; mais les entretiens d’un moine français, que la dévotion avait conduit à Venise, lui firent croire qu’il était un spectacle plus agréable à Dieu que celui d’un prince qui travaille au bonheur de ses sujets par son administration et par ses exemples; il finit par se déterminera abandonner sa femme,son (ils et le soin de l’Etat pour embrasser la vie contemplative (97U). La nuit du 1er septembre 978, il s’évada furtivement de sou palais, où il devait craindre en effet d’être retenu par l’amour de son peuple, et se sauva dans une abbaye voisine de Perpignan, pour y finir scs jours sous l’habit monastique. Venise, après l’avoir chéri comme prince, l’invoqua dans la suite parmi les bienheureux. C’est à ce règne qu’on rapporte le plus ancien document qui constate l’existence d’un impôt sur les fortunes. Mais on ne peut pas douter que cette contribution n’eùt été levée diyis des temps antérieurs. Il paraît qu’elle était fixée au dixième du revenu déclaré par les contribuables sous la foi du serment, et que cette taxe, au lieu d’être annuelle, ne se levait que dans le cas de nécessité. Ce décime, les produits de quelques cens, les douanes et droits de port, les droits sur le sel et les amendes judiciaires composaient dans ce temps-là tout le revenu de la république. XVII. Vital Candiano, frère du doge massacré-fut élevé à la suprême magistrature. Ce retour fréquent des mêmes noms, malgré ce que plusieurs