3u2 HISTOIRE DE VENISE. « Et ne lui viendra-t-clle pas bien plus nalurelle-« met si nous nous en séparons? « Remarquez que plusieurs des raisonnements « sur lesquels on appuie l’opinion contraire, sont « susceptibles d'être rétorqués. Si le roi, vous dit-it on, redoute l’empereur, il cherchera à se récon-« cilier avec lui ; s’il ne le craint pas, il consentira à « partager nos provinces avec lui. On peut dire tout « aussi bien : Si le roi redoute Maximilien, il se gar-« dera bien de l’attirer dans son voisinage, en lui « proposant le partage de nos provinces; s’il ne le « craint pas, il ne cherchera point à se réconcilier h avec lui. Ce sont là de part et d’autre de vaines « subtilités : reconnaissons que tout cela est possi-« ble ; mais avouons que cette possibilité n’en existí tera pas moins, quand nous aurons abandonné « l’alliance du roi pour celle de l’empereur. h Appliquons-nous à détourner tout ce qui pour-« rait ramener ces deux princes à une ligue contre « notre république, et pour cela, attachons-nous au « plus fort, au moins inconstant, à celui qui a le « plus grand intérêt de mettre obstacle à la gran-« deur future de l’autre, ou de sa postérité. Vous « voyez que Maximilien a un petit-fils, qui doit « réunir sur sa tête les couronnes d’Autriche, des « Pays-Bas, d’Arragon, de Castille, de Naples, et « probablement aussi la couronne impériale; voilà « un gage certain que le roi de France ne consenti tira jamais sincèrement à l’agrandissement de ii cette maison. » Ce discours entraîna la majorité des suffrages. L’alliance avec le roi fut maintenue, et on fit répondre à Maximilien que les engagements de la république avec les autres États, ne lui permettaient point de laisser une armée étrangère pénétrer dans l’Italie, qui était en pleine paix. Que s’il y venait seulement avec le dessein de se faire couronner empereur, et avec la suite convenable à un si grand prince, tous les passages par les États de la république lui seraient ouverts, et qu’il y trouverait partout les témoignages de dévouement et de respect qui lui étaient dus. On ajoutait que la république ne croyait point s’écarter de ses devoirs envers lui, en exécutant ponctuellement les engagements qu’elle avait pris avec la France, et en fournissant au roi le secours auquel elle s’était obligée, en cas que le Milanais fût attaqué; mais qu’elle ne négligerait rien pour éviter tout ce qui pourrait être considéré comme une agression de sa part. XXVIII. Ce refus excita la colère de Maximilien. Il renvoya l’ambassadeur de Venise; il fit marcher ses troupes sur les frontières du Frioul; mais elles y trouvèrent celles de la république, appuyées d’un corps français de cinq cents gendarmes, et de cinq mille hommes d’infanterie (lo08). Un détachement de mille Autrichiens pénétra d’abord, par les défilés des montagnes, jusqu’à Crémone; le gouverneur de Milan l’obligea à faire une prompte retraite. Peu de temps après, qualre mille chevaux se présentèrent pour entrer à Vérone, où on leur refusa le passage avec fermeté. Au mois de février 1Ï508, l’empereur lui-même arriva sur les hauteurs qui dominent Vicence, tandis qu’un autre corps traversait le Frioul, et surprenait la petite place de Cadore. Il dirigea ensuite la marche de toutes ses troupes sur Trévise; mais déjà l’argent lui manquait. Les Suisses qu’il avait pris à sa solde le quittèrent pour passer au service du roi de France, et il reprit en personne le chemin du Tyrol, réduit à aller vendre ses pierreries à Inspruck. Pendant son absence, les Vénitiens enveloppèrent, prirent ou taillèrent en pièces le corps allemand qui s’était avancé dans le Frioul. Ils firent, dans celte action, trois mille prisonniers, recouvrèrent ensuite Cadore, mirent le siège devant Gorice, l’emportèrent en quatre jours, achetèrent la reddition de la citadelle pour qualre mille ducats; et leur armée, que commandait Alviane, se présenta devant Trieste, en même temps qu’une flotte arrivait de Venise, pour altaquer celte place par mer. Il y avait près de cent trente ans que cette ville leur avait été enlevée par l’amiral génois Ma-ruffo. Après avoir été possédée momentanément par le patriarche d’Aquilée, elle avait été réunie aux domaines de la maison d’Aulriche. Louis XII fit engager les Vénitiens à ne pas pousser plus loin leurs avantages ; mais ils n’eurent garde de se rendre à ses exhortations. Trieste capitula, et la flotte alla saccager quelques petites villes de l'empereur situées sur l’Adriatique. Cette guerre défensive était,comme on voit, assez vigoureuse. Les succès des Vénitiens n’étaient pas aussi brillants dans la vallée de l’Adige; les deux armées avançaient, reculaient tour-à-tour entre Trente et Rovérédo. La défection des soldats de Maximilien vint mettre fin à la campagne. Presque tous les Allemands se débandèrent, et les Vénitiens auraient pu pousser plus loin leurs succès, sans rencontrer aucun obstacle, si le roi ne fût encore intervenu pour les arrêter. Pendant les désastres de son armée, l’empereur était à parcourir toute l’Allemagne pour obtenir des secours d’argent. 11 fit proposer une trêve aux Vénitiens; mais ils répondirent qu’ils ne pouvaient traiter sans leur allié. Des plénipotentiaires des trois puissances s’assemblèrent. Ceux de l’empereur consentirent à ce que chacune des parties restât en possession de ce qu’elle occupait alors; mais les Français exigèrent que cette trêve fût commune à tous leurs alliés, notamment au duc deGueldre, que Maximilien avait dépouillé