AVANT-PROPOS Il y a plus d’un demi-siècle que j’ai commencé à me préoccuper du problème autrichien. Dès 1866, je faisais paraîtredans une librairie, depuis longtemps disparue', une brochure sous ce titre significatif : L'État Autrichien, Bohême, Hongrie, Habsbourgs. Ce titre était accompagné d’une épigraphe dont on peut apprécier aujourd’hui la portée prophétique : Ave Cæsar, resur-recturi te salutant. Bien avant moi, en 1846, au lendemain de l’annexion de Cracovie, Montalembert avait à la tribune de la Chambre de Paris prononcé ces paro'es non moins prophétiques : « La monarchie autrichienne est un composé bizarre de vingt nations que la justice aurait pu maintenir et que l’iniquité fera tomber en dissolution ». On ne fit guère attention à mon pessimisme; on n’y vit qu’une fantaisie paradoxale ; on était alors, on est encore aujourd’hui hélas! tellement ignorant des conditions ethnographiques et de l’histoire réelle des peuples inclus dans l’ex-État autrichien. J’ai raconté ailleurs comment au cours de l’année 1869* un illustre hommed’État, le Tchèque Rieger, vint à Paris tout exprès pour expliquer à nos politiciens des problèmes dont ils n’avaient pas la moindre notion Il sera question au chapitre xxxix de ce livre de son audience chez Napoléon III. Même à la veille de l’année terrible on ne soupçonnait ni les dangers que faisait courir à notre pays l’insatiable ambition de la Prusse 1. Librairie du Luxembourg. 2. Souvenirs d’un S/avophite, p. 55-58 (Hachette, 1906), et la Renait-sance tchèfjue (Alcan, 1911) p. 188 et suiv.