LA BOHÊME SOUS LES PREMYSLIDES. 123 de talent et un sculpteur habile à tailler le bois et la pierre. La chronique raconte que l’évêque de Prague, jaloux de ses talents, lui imposa une singulière pénitence : il l’obligea à sculpter un Christ en bois, de grandeur naturelle, et à le porter jusqu’à Rome sur ses épaules. La Bohême se trouvait pour ainsi dire au confluent des deux influences italienne et byzantine; mais le triomphe du catholicisme romain fit prévaloir la première ; un grand nombre d’églises s’élevèrent au douzième et au treizième siècle (notamment à Prague, la basilique romane de Saint-Vit). On connaît en Bohême environ cent cinquante églises en style roman. L’art gothique apparaît au treizième siècle et atteint au siècle suivant toute sa délicatesse. Nous avons déjà vu que, sous les derniers Premyslides, Prague était devenue le séjour d’une cour brillante et chevaleresque. Le couronnement de Vacslav II, en 1297, fut une des cérémonies les plus brillantes du moyen âge. Ce fut, dit une chronique allemande, une fêle telle que n’en avait encore donnée ni un roi d’Assyrie, ni un Salomon lui-même. Le nombre des étrangers fut si considérable, que, d’après les récits contemporains, il fallut nourrir dix-neuf mille chevaux. A cette fête colossale, on ne comptait pas moins de vingt-huit princes laïques ou ecclésiastiques ; les archevêques de Mayence et de Magdebourg, les évêques de Prague, d'Olomouc, de Gracovie, de Bâle, de Constance, l’archiduc Albert d’Autriche, avec une suite de sept mille cavaliers; les princes de Saxe, de Brandebourg, de Misnie. La ville de Prague ne suffisait pas à contenir cette foule d’étrangers; on bâtit dans une plaine voisine un vaste, palais de bois décoré de tapisseries précieuses, où les hôtes de distinction furent magnifiquement traités. Sur les places publiques coulaient des fontaines de vin. Le couronnement eut lieu dans la cathédrale de Saint-Vit; la couronne royale valait deux mille marcs d’argent ; l’épée et le bouclier, trois mille marcs, le manteau, quatre mille marcs; quant à la ceinture, les anneaux et le bonnet royal, personne n’osait en fixer la valeur. La ville de Prague offrait aux étrangers le spectacle d’une splendeur inouïe.