LES EMPEREURS AUTRICHIENS. 261 de Pologne, a fait voir notre armée à l’empereur; mais nos gens ont été très-piqués et se plaignaient hautement de ce que l’empereur n’ait pas daigné les remercier, ne serait-ce que du chapeau, de tant de peines et de privations. On ne nous donne ni fourrages, ni vivres; nos malades sont' couchés sur du fumier, et nos blessés fort nombreux ne peuvent obtenir de bateaux pour descendre jusqu’à Pres-bourg, où je serais plus à même de les entretenir à mes frais. « On refuse d’enterrer nos morts dans les cimetières, même ceux des grades supérieurs... On pille nos bagages ; on nous enlève nos chevaux restés en arrière. Sans l’avoine que nous avons trouvée dans le camp turc, tous nos chevaux auraient péri. Nous serions moins" malheureux, si l’on avait la charité de nous construire un pont sur le Danube, et que nous puissions vivre en pays ennemi. « Là nous trouverions des vivres. Mais ces messieurs de Vienne remettent tout d’un jour à l’autre, et, maintenant qu’ils sont sauvés, s’adonnent à toutes ces débauches pour lesquelles Dieu les a si justements punis. Gomme beaucoup des nôtres se pressent vers la ville pour y trouver de la nourriture parce qu’on meurt de faim dans la campagne, le commandant de Vienne a donné l’ordre de ne pas les laisser enîrer et de tirer sur eux. Après une si grande bataille, où nous avons perdu tant de monde des familles les plus illustres, nous sommes comme des pestiférés que tout le monde évite. Maintenant, il ne nous reste plus qu’à gémir en voyant périr notre armée, non pas sous les coups de l’onnemi, mais par la faute de ceux qui nous doivent tout. Aussi, je me mets en marche aujourd’hui, peut-être pour aller au devant d’une famine plus grande ; mais je veux m’éloigner de cette ville de Vienne, où l’on fait feu sur les nôtres. Nous sommes ici sur les bords du Danube, comme autrefois les Israélites sur les bords de l’Euphrate. Nous pleurons la perte de nos chevaux, l’ingratitude de ceux que nous avons sauvés et tant d’occasions de succès échappées. Enfin tout le monde est dé-