78 CHAPITRE VI. de l’expédition devait avoir lieu à Spalato ; mais les vaisseaux manquaient. Venise consentit à en louer; cette fois encore elle justifia sa devise : Siam Veneziani, poi cris-liani \ elle exigea que Zara lui fût cédée à perpétuité. André eut en outre à payer des sommes considérables. Il dut mettre en gage jusqu’aux trésors des églises. Il partit au mois d’août 1217; malade durant l’expédition, il revint sans gloire dans son pays ; à son retour il assura aux chevaliers hospitaliers de larges revenus sur les biens de la Hongrie. Le seul résultat sérieux de son voyage, ce furent les alliances qu’il conclut avec les princes de la chrétienté; il maria son fils aîné Bêla avec la fille de l’empereur Las-caris, son fils cadet à la fille du roi Léon d’Arménie, sa fille au roi de Bulgarie, Asen. A son retour il trouva la Hongrie dans de grands désordres; depuis ia mort de Koloman l’autorité royale avait fort diminué dans le Royaume; une féodalité oligarchique s’y était développée; le clergé avait acquis des biens séculiers. La royauté arpadienne pour être héréditaire n’était pas incontestable ; la primogéniture n’était pas reconnue par les princes de la famille et nous avons déjà vu se produire sous différents règnes de redoutables compétitions. Le souverain était donc obligé de s’assurer l’appui des grands seigneurs terriens, laïques ou ecclésiastiques. II se dépouillait peu à peu de ses domaines- au profit d’une minorité avide et puissante. La petite noblesse était dédaignée; les diètes se réunissaient moins souvent. Les hauts dignitaires de l’église enrichis par ces donations, formaient un état dans l’état et s’appuyaient sur le pape pour mieux résister à la volonté royale. Le Saint-Siège, fidèle aux traditions de Grégoire VII, s’efforçait d’exercer dans le royaume une autorité parallèle ou supérieure à l’autorité royale. Le clergé offrait de scandaleux exemples de corruption. Le mal du royaume appelait un prompt remède. Bien loin d’oser prendre des mesures énergiques, André cédait de plus en plus au torrent qui avait entraîné ses prédécesseurs; en 1219, il accordait l’hérédité et l’inviolabilité des donations et dignités de toute sorte qui