JEAN HUNYADY. MATHIAS CORVIN. 235 qu’un contemporain appelle la «communauté du royaume». La vie publique des comitats fut toujours fort active sousson règne : les congrégations se réunissaient souvent. Mathias y cherchait un appui contre les menées des grands seigneurs terriens qui auraient tenté de se rendre indépendants; le roi nommait à son gré le comte suprême (foispan); mais son suppléant devait toujours être pris dans la noblesse du cormtat. Les attributions du Palatin furent restreintes; il fut dépouillé des pouvoirs judiciaires qui faisaient do lui le grand juge du roi. Quoique très-religieux, et d'un dévouement intermittent et capricieux au Saint-Siège, Mathias contint le clergé et prohiba les appels en cour de Rome. Il s’efforça surtout de restreindre les privilèges de la grande noblesse. « Le roi Mathias est mort, lajustice s’en est allée » diten-core aujourd’hui un proverbe magyar. Mathias s’efforça de protéger le commerce et appela dans son royaume des étrangers, notamment des Serbes qui affluèrent en grand nombre après la mort de Brankovié et la ruine définitive de l’ancien empire serbe. Mathias avait l’intelligence très-cultivée; il avait cet esprit de repartie qui rend un souverain populaire et qui chez nous aurait suffi à immortaliser Henri IV. « C’est un roi sage, instruit, dont la parole est relevée par une grande dignité, écrivait de lui le légat du pape, il ne dit que ce qu’il faut et surpasse, pour la raison et l'éloquence, tous les princes que je connais » Sa seconde femme, Béatrix, avait apporté d’Italie les élégantes traditions de la Benaissance; beaucoup d’italiens vivaient à la cour de Bude, et embellissaient le royaume d’édifices remarquables. Le palais du souverain était magnifique et rempli d’objets précieux ; le légat pontifical écrit que cinquante voitures n’auraient pas suffi à emporter la vaisselle royale. Mathias fonda à Bude la première bibliothèque du royaume, la fameuse Corvina. Elle comprenait, dit-on, cinquante mille manuscrits, chiffre énorme pour le temps. Le roi envoyait de tous côtés des agents chargés d’en acheter ou d’en copier; trente copistes travaillaient cons-