LES EMPEREURS AUTRICHIENS. 255 pas oublier que la Bohême et la Hongrie sont deux pays essentiellement aristocratiques; la noblesse aime mieux obéir à des étrangers que de voir régner un des siens, fût-ce même un Mathias Gorvin ou un Podëbrad. D’autre part, en présence de la menace toujours présente d’une invasion musulmane, les deux pays sentent instinctivement qu’ils ont intérêt à s’appuyer sur les princes d’une maison déjà puissante par elle-même, et qui peut, au besoin, mettre au service de ses sujets les forces de l’Allemagne tout entiôf-e. Malheureusement, la maison d’Autriche prend trop au Sérieux ce rôle de protectrice de la chrétienté et s’identifie complètement avec l’intolérance catholique; les réformés, quelle que soit leur origine, qu’ils procèdent de Hus, de Luther ou de Calvin, sont pour elle des ennemis aussi odieux que les musulmans et plus faciles à combattre. Et, comme elle identifie l’esprit d’indépendance avec l’hérésie, elle étouffe toutes les libertés et fait de l’absolutisme la base de sa politique. Ferdinand II (1619-1637) est le premier représentant de ces monarques autrichiens, dévots et despotes, dont le type s’est perpétué presque sans interruption—Joseph II excepté — jusqu’au dix-neuvième siècle. Il avait fait ses études, sous la direction des jésuites et de son oncle, le pieux Guillaume de Bavière ; il avait à diverses reprises manifesté l’intention de se faire jésuite; nous avons vu plus haut comment il mit en pratique dans son gouvernement de Styrie les maximes qu’il avait reçues de ses instituteurs. La Bohême et la Hongrie offrirent bientôt un champ plus vaste à son zèle religieux. Pour se procurer les ressources nécessaires à la guerre contre les Tchèques, il mit laHaute-Autriche en gage aux mains de la Bavière. Le gouverneur bavarois Herherstorf eut recours aux moyens les plus violents pour rétablir le catholicisme dans cette province. Les paysans attachés aux doctrines de la réforme se soulevèrent; ils voulaient, suivant une chanson du temps, devenir maîtres chez eux, gouverner leur pays, comme faisaient les Suisses. Ils avaient pour chef un ancien soldat, le chapelier Fadin-ger; il réunit jusqu’à soixante-dix mille hommes et prit le