LA SITUATION DES MACÉDONIENS DURANT LA PREMIÈRE GUERRE 61 Un témoin oculaire bulgare nous décrit le massacre, par les Serbes, d’un grand nombre de Turcs, à Uskub, aux premiers temps de l’occupation (n° 11 ). De plus, pendant que les régiments bulgares étaient en marche, des incidents se produisirent qui amenèrent de sauvages représailles. Un volontaire de la Légion macédonienne (Opoltchénie) anciennement connu d’un des membres de la Commission comme un homme honorable et sincère, raconte l’épisode suivant, qui est bien l’exemple de brutalité le plus typique dont il ait eu connaissance. Dans sa marche à travers Gumuljina, la Légion aperçut les cadavres d’environ cinquante paysans bulgares, tués par les Turcs; le cadavre d’une femme pendait à un arbre , un autre gisait sur le sol, auprès de celui de son petit enfant : tous deux avaient les yeux arrachés. Les soldats de la Légion ripostèrent en tirant sur tous les villageois turcs et sur tous les soldats fuyards qu’ils rencontrèrent, le jour suivant, et tuèrent de la sorte environ cinquante hommes, ainsi que deux ou trois femmes. Les officiers de la Légion s’efforcèrent ensuite de découvrir les coupables, mais ils se heurtèrent à la solidarité des hommes qui considéraient cette boucherie comme de légitimes représailles. Les Turcs avec lesquels nous nous sommes entretenus tombaient d’accord, dans l’ensemble, pour déclarer que cette période d’extrême brutalité n’avait pas dépassé les premières semaines de la première guerre. Beaucoup d’entre eux ont rendu hommage à la justice de l’administration bulgare qui fut établie par la suite. Plusieurs fonctionnaires bulgares qui avaient à contenir des districts turbulents, infestés de bandes (Istip et Drama), avec, pour les appuyer, des forces militaires insuffisantes, nous ont fourni le détail des mesures qu’ils avaient prises pour regagner la confiance des Musulmans. Un grand nombre y réussirent. Il est indiscutable qu’on fit de réels efforts pour arrêter les excès des bandes et empêcher la maraude des troupes. Les rapports des Cours martiales, que nous avons sous les yeux, prouvent que ce fut en janvier 1913 que l’état-major bulgare commença à s’alarmer de la fréquence et de la gravité des désordres survenus sur les territoires occupés. Une circulaire télégraphique (voir Annexe n° 13), envoyée aux commandants et aux gouverneurs de Macédoine et deThrace, leur enjoint de conduire des enquêtes concernant toutes les violences commises contre les habitants des territoires occupés et leur rappelle que l’honneur de l’armée est en jeu et que toute indifférence de leur part envers les crimes des individus conduirait le monde entier à penser que la civilisation des Bulgares n’est pas supérieure à celle de leurs ennemis. Deux télégrammes postérieurs ordonnaient aux Cours martiales de mener rapidement ces enquêtes, de faire passer ces affaires avant toutes les autres, plus spécialement quand les plaignants étaient Turcs. Le ton de ces instructions ne laisse absolument rien à