THÉÂTRE DE LA Gl'ERRE SERRO-BULGARE '.il ainsi que de nombreux habitants fugitifs. A ce moment, les envahisseurs n’avaient pas encore entouré la bourgade d’un cordon de troupes, mais, peu après, ils cernèrent la ville à l’aide de soldats serbes et de Turcs, et commencèrent à faire le relevé de la population par villages et par familles. En cherchant ses enfants, notre témoin entra dans une rue sur le sol de laquelle quatre têtes d’homme gisaient par terre. Pris de peur, il s’enfuit et, se cachant au milieu d’un troupeau, il réussit à traverser le cordon de soldats et à se mettre à l’abri avec d’autres fuyards. Ils se dirigèrent vers le village de Smiliantsi. Les cavaliers serbes les ont de nouveau arrêtés en route. L’officier, après les avoir questionnés, les dirigea vers le village; là il y avait de l’infanterie. Une grande quantité de bétail et des porcs étaient gardés par les soldats, probablement pour les consommer. Ils ont pris 65 livres à un des morts, dont le nom est inconnu au témoin. Ils ont dirigé les fuyards, pour coucher, dans le village voisin, où, le lendemain, le commandant serait venu les questionner. Au lieu d’aller à ce village, ils sont allés vers la montagne et, par Pehtchévo, Tzarevo-Sélo et Tcherna-Skala, ils sont entrés en territoire bulgare. A Kus-tendil, le témoin a retrouvé ses enfants. D’autre part, une femme, Maria Constantinova, appartenant à un groupe de 34 fugitifs, hommes, femmes et enfants, arrivés à Kustendil, après la prise de Gradets, a raconté ce qui suit : Une dizaine de cavaliers serbes, accompagnés de plus de 1.000 bachi-bouzouks turcs, pénétrèrent dans Gradets. Tout le village fut pris d’une panique épouvantable, à la nouvelle que Turcs et Serbes tuaient tout Bulgare qui se présentait devant eux. La plus grande partie de la population, hommes, femmes et enfants, prit la fuite avant l’entrée des Serbes. Il ne resta que les vieillards et ceux qui n’avaient pas réussi à s’échapper. « Partez, fuyez, tout au moins, vous les jeunes », criaient les vieux; « si les Serbes nous épargnent nous vous aviserons, mais, par grâce, sauvez-vous et, que Dieu fasse de nous ce qu’il voudra ! » Quand les Serbes et les Turcs pénétrèrent dans le village, les vieux sortirent pour les recevoir et faire appel à leur pitié. Informé que la population avait pris la fuite, un cavalier serbe envoya un paysan leur annoncer que, s’ils ne rentraient pas, tous leurs biens seraient pillés et leurs maisons incendiées. Se conformant à cet avertissement, la plupart des fuyards revinrent. Les cavaliers serbes donnèrent alors aux Turcs l’ordre de se saisir de tous les hommes. Les Turcs se précipitèrent aussitôt dans les maisons et il en résulta une scène épouvantable. Quelques Turcs envahirent la maison du témoin et s’emparèrent du chef de la famille. Il n’avait pas encore franchi le seuil de l’habitation qu’il était poignardé et tombait sur place. Des cris de détresse partaient de toutes les maisons; on tirait aussi des coups de feu. Le témoin, étant sorti de sa