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LES ORIGINES DES DEUX GUERRES BALKANIQUES
   N’y avait-il pas, pourtant, certains signes précurseurs qui auraient dû prouver aux plus aveugles qu’il n’était pas du tout prudent de se défier si peu des autres et d’être si pleinement sûr de soi-même?
   C’était d'abord, en Macédoine, l’état de choses que nous avons décrit-Le procès de dénationalisation y est allé beaucoup plus loin que n’ont voulu l’avouer les diplomates. Le traité de partage était depuis longtemps violé quand M. Pachits parlait encore de quelques remaniements à apporter aux conditions du traité pour le préserver de l’annihilation complète. Les représentants serbes à l’étranger reçurent, dès le i5 septembre 1912, c’est-à-dire six mois et demi après la conclusion du traité et vingt jours avant le commencement de la guerre, une circulaire secrète qui demandait déjà l’incorporation à la « Vieille Serbie », « au-delà » de la frontière convenue, des villes de Prilep, Kitchévo et Okhrida. Mais avec les victoires de l’armée serbe, la liste des concessions demandées ne va pas tarder à s’accroître. M. Pachits ne parlait encore que de Prilep, la ville du héros légendaire Marko Kraliévits, que l’armée demandait déjà Monastir. Quand on eut demandé Monastir, l’armée insista pour obtenir la frontière commune avec la Grèce. Le Gouvernement serbe finit par accepter toutes les conditions posées par le pays qui devenait de plus en plus exigeant. Le parti militaire, puissant et guidé par le prince héritier, en impose toujours au premier ministre, toujours indécis, toujours temporisateur, désireux de tout arranger à l'amiable. Les demandes de M. Pachits aux Bulgares étaient vagues et imprécises comme sa conduite à l’intérieur. Il commença, en automne 1912, par s'opposer, dans l’organe officieux de son ministère, à une révision du traité. Puis, au mois de décembre, il informa M. Guéchof, chef du Cabinet bulgare, par une lettre privée adressée à son ambassadeur à Sofia, que la révision était nécessaire. Au mois de janvier, il avait encore des idées très flottantes quant aux limites dans lesquelles devait se tenir cette révision. Au mois de février, il adressa au Gouvernement bulgare des propositions écrites, et il suggéra de faire la révision « sans soulever l’opinion publique et sans laisser les grandes puissances s'immiscer dans l’affaire du partage ». A ce moment-là, M. Pachits pouvait encore penser qu'il tenait dans sa main la solution du conflit. Il allait perdre cette illusion. Son collègue écrivait déjà son pamphlet signé « Balcanicus », dans lequel il s’appuyait sur la clause pacta servanda sunt, mais avec la réserve rebus sic stantibus, et relevait les changements apportés dans la répartition des armées alliées entre les deux théâtres de la guerre (voir plus haut p. 3o) comme des infractions qui devaient amener la révision du traité. M. Pachits finit par se rendre à ces raisons, dans son discours du 29 mai.
   En même temps, les autorités militaires de Macédoine décidèrent définitivement de se maintenir dans ce pays. Le 27 février/12 mars, elles déclarèrent à