58 GRECS ET BULGARES aux autres à leur tour. Cela n'eût pu être empêché que par des instructions catégoriques venues d’Athènes, de Belgrade et de Sofia, et encore si l'Eglise et le Comité d’insurrection avaient appuyé les ordres des Gouvernements. Un appel aux sentiments d’humanité fut bien publié par 1’ « Organisation intérieure » de l’insurrection macédonienne, mais il semble n’avoir produit que peu d’effet. Sac et pillage ne furent pas malheureusement les pires des procédés qui souillèrent de sang la guerre d’affranchissement. Surtout dans la Macédoine du nord-est, la population victorieuse organisa la suppression systématique des Musulmans. La Commission a pu étudier de près, avec tous les témoignages à l’appui, une de ces campagnes de meurtre menée à Strumnitza. Ce fut probablement le plus terrible épisode du genre, mais il n’est que trop caractéristique de ce qui se reproduisit ailleurs en plus petit. Les témoignages nous ont été fournis: i° par les Musulmans survivants, notables de la ville, qui déposèrent en personne devant nous (Annexes nos i, 2 et 3) ; 20 par un Américain, qui visita la ville peu de temps après; 3° par un fonctionnaire bulgare. Strumnitza avait été placée, pendant l’automne de 1912, sous une domination mixte : la garnison était serbe ; il y avait un fonctionnaire civil bulgare plus jeune, et les bandes d’insurgés bulgares étaient présentes en grand nombre. Une Commission fut constituée, sous la présidence du commandant serbe, le major Grbits ; avec lui, siégèrent deux officiers serbes plus jeunes, le sous-préfet bulgare, qui était le lieutenant Nicholas Voultcheff, le chef des bandes bulgares, le voïvoda Tchekoff, et un certain nombre de notables. On fouilla, maison par maison, pour désarmer les Musulmans de la ville. Quelques meurtres de Musulmans ayant eu liexi, çà et là, dans les rues, on publia un décret interdisant à tout Musulman, sous peine de mort, de quitter sa maison. Pendant ce temps, on organisa une gendarmerie locale, et, tandis que les Musulmans attendaient passivement leur sort, un gendarme et un soldat serbe allèrent, de maison en maison, appelant les habitants un par un à comparaître devant la Commission. A mesure que les victimes arrivaient devant les juges, le major Grbits posait la question : « Bon ou mauvais? » Il n’y avait ni discussion, ni défense. Chaque Turc avait ses ennemis personnels et nul ne se risquait à contrarier le ressentiment du voisin. Il suffisait d’une voix pour condamner. 11 y en eut à peine un sur dix qui échappa à la mort. Les victimes étaient brutalement dépouillées de leurs habits et garrottées en présence de la Commission, tandis que l'argent qu’on trouvait sur eux était saisi par le major Grbits. Les condamnés étaient attachés trois par trois et conduits à la maison du massacre, où on les exécutait, parfois après les avoir torturés et mutilés. Le petit nombre des épargnés recevaient un certificat les autorisant à vivre, et, dans bien des cas, on a toutes les raisons de croire que ces certificats se payèrent jusqu’à