34 l,liS ORIGINES DES DEUX GUERRES BALKANIQUES distribuait les punitions et gardait pour lui les récompenses. Il arriva donc que ceux que la population considérait comme ses chefs et vénérait comme des héros furent arrêtés et punis comme de simples vagabonds ou des brigands ; ceux qui formaient la lie devinrent de grands personnages. Cette marche vers la désagrégation de la vie sociale et nationale en Macédoine commença dès l’entrée des armées d'occupation et elle ne s’arrêta plus pendant les huit mois qui séparent le commencement de la première guerre du commencement de la seconde. Cela ne manqua pas d’amener les changements les plus profonds. L’organisation bulgare fut décapitée. On se debarrassa des éléments ouvertement révolutionnaires, — les comitadjis, — et de tous ceux qui avaient été mêlés au mouvement insurrectionnel contre la domination turque ou à la lutte contre les minorités serbes et grecques. Ce fut d’autant plus facile qu’il n’était pas aisé de tracer la limite entre le crime politique et le crime ordinaire, étant donné le chaos des lois macédoniennes. Il était plus difficile de lutter contre l’école bulgare. Le temps est lointain déjà où le maître d’école était nécessairement membre de 1’ « organisation intérieure ». L'élément purement enseignant prenait de plus en plus la place des « apôtres » et des martyrs des générations précédentes. Mais les conquérants voyaient les choses telles qu’elles étaient, il y a des dizaines d’années. Le maître d’école était toujours, pour eux, le conspirateur, l’homme dangereux dont il fallait se défaire. Et puis l’école, même la plus étroitement consacrée à sa mission d'enseignement, était le centre d’où rayonnait la civilisation bulgare. C’est poiirquoi elle devint l’objet d’attaques systématiques de la part des Grecs et des Serbes. Leur premier acte, en arrivant dans un endroit quelconque, était de fermer les écoles et d’en faire des logements de soldats. Puis, on faisait comparaître les professeurs du village pour leur dire qu’on n'avait que faire de leurs services, s’ils refusaient d'enseigner en serbe et en grec. Ceux qui continuaient à se déclarer Bulgares s’exposaient à une persécution plus ou moins rigoureuse, selon qu ils résistaient plus ou moins. Les plus intransigeants eux-mêmes finissaient par s’avouer vaincus: quand ils se montrèrent irréductibles, on les autorisa parfois à partir pour la Bulgarie, mais, le plus souvent on préféra les envoyer en prison à Salonique ou à Uskub. Le prêtre et surtout l’évêque étaient les plus difficiles à réduire. On commençait par leur demander de changer la langue du service divin ; on cherchait à les soumettre aux autorités ecclésiastiques serbes ou grecques et on les obligeait à en mentionner les noms dans la liturgie. Si le prêtre montrait des velléités de résistance, on lui prenait son église exarchiste et on la donnait aux patriarchistes ; on lui défendait de communiquer avec ses ouailles et, à la moindre désobéissance, on l’accusait de propagande politique et du