46 LES ORIGINES DES DEUX GUERRES BALKANIQUES D'abord, le « public » des partis politiques était là, à Belgrade, et il ne voulait pas laisser Pachits en tête à tête avec le premier des Bulgares. Avant de partir pour Tsaribrod, il lui fallut lire à la Skoupchtina l’exposé de ses raisons pour la révision du traité; c’étaient celles qu’il avait adressées à Sofia trois jours auparavant (voir plus haut). Mais divulguer ainsi la correspondance diplomatique secrète, c’était se couper la retraite. Dans ces conditions, le discours du 15/28 mai fut un coup de grâce porté aux espérances pacifistes de M. Guéchov, la veille de son départ pour Tsaribrod. Ce que l’interview d’un journal de Zagreb faisait dire à M. Pachits, à ce propos, n’est pas du tout improbable: « J’étais sûr », aurait-il dit, « que les Bulgares me répondraient par la déclaration de guerre. » M. Guéchov, de son côté, n’était pas dans une situation plus brillante. Lui aussi, il avait à se débattre contre le parti de la guerre à Sofia, mais il ne voulut pas faire de concessions. Quand il apprit, le 17/30 mai, que le tsar Ferdinand avait reçu, la veille, les chefs de l’opposition et que, ceux-ci lui ayant conseillé la guerre, la proposition lui avait plu, M. Guéchov donna sa démission. M. Pachits ne savait pas qu’il parlait à Tsaribrod, le 20 mai/2 juin, à un ex-ministre. Pourtant, une issue, ou plutôt un moyen de retarder les événements fut trouvé lors de cette rencontre : on convint d’arranger une conférence qui réunirait les chefs des cabinets des Etats alliés. Le 22 mai/4 juin, Ia retraite de M. Guéchov fut connue de tous. Avec lui disparaissait le dernier espoir d’échapper à la guerre. C'est à ce moment que le tsar de Russie tenta un effort suprême. Il lança, le 26 mai/8 juin, un télégramme aux rois de Serbie et de Bulgarie où, tout en prenant acte du projet de rencontre à Salonique, avec son prolongement éventuel à Saint-Pétersbourg, il leur rappelait qu’ils étaient obligés de soumettre leurs contestations à son arbitrage et il déclarait solennellement que 1’ « Etat qui commencerait la guerre répondrait de sa conduite devant le sla-« visme ». Il « se réservait la liberté entière de décider quelle attitude la Russie « prendrait en face des conséquences possibles de cette lutte criminelle ». La correspondance diplomatique secrète donnait l’explication de cette menace. Si la Serbie ne veut pas se soumettre à l'arbitrage russe, « elle risquera son existence ». Si c’est la Bulgarie qui résiste, « elle sera attaquée, dans la guerre contre les alliés, parla Roumanie et la Turquie ». La menace fut comprise à Belgrade, mais elle ne suscita que de l’irritation. « La Russie nous tient, y disait-on, par le danger toujours menaçant : le voisinage de l’Autriche, et, sachant que, si elle nous abandonne, nos ennemis d’au-delà le Danube s’empresseront d'exercer sur nous la pression la plus lourde, elle croit pouvoir nous négliger... Toutes ses faveurs vont aux Bulgares. Nous ne pouvons pas cependant aller plus loin dans une pareille voie. Nous avons cédé dans la question albanaise, nous ne pouvons le faire dans celle de