186 LA GUERRE ET LES NATIONALITÉS Le traité secrel gréco-bulgare ne contenait, comme nous le savons, aucun tracé de frontières dont les deux parties eussent mutuellement convenu. C'était une incitation de plus à 1’ « irrédentisme hellénique ». En Grèce, comme en Serbie, deux tendances opposées entrèrent en conflit dès les premiers succès de l’armée hellénique. Comme M. Pachits à Belgrade, comme M. Guéchov à Sofia, M. Vénizelos était pour la modération, en qui il voyait le seul moyen de sauvegarder leur création commune, à savoir l’alliance balkanique. Le parti militaire s’affirmait de plus en plus mécontent, et comme cela s’était produit en Serbie, il trouva en Grèce son chef et son interprète dans la personne du prince héritier. La diaspora grecque était bien mieux et bien plus anciennement organisée que les colonies éparses autour des maîtres d'école et des chefs de bandes serbes. Cette organisation patriotique avait à sa base une assise considérable de vraie population grecque et était habituée à obéir au mot d'ordre donné à Athènes et surtout à la patriarchie du Phanar. Dès les mois de janvier et de février, une véritable campagne s'organisa avec adresses, mémoires, télégrammes, résolutions de Congrès, etc., envoyés à la Conférence des ambassadeurs à Londres et au Gouvernement hellénique; le tout, pour demander l’annexion :i la Grèce. Le icr/14 mars, un de ces mémoires est présenté à la Chambre hellénique, au nom des « Hellènes de la Thrace et de la Macédoine orientale, « qui constituent la presque totalité de la population chrétienne de ces régions ». Les pétitionnaires y proclament orgueilleusement que «l’hellénisme, à lui seul, « a fait, dans la présente guerre, plus de sacrifices moraux et matériels qu’aucun « des autres alliés, que tous les alliés ensemble », et ils demandent « leur régé-« nération nationale par l'union avec leur mère patrie, la Grèce1 ». M. Vénizelos est interpellé à ce sujet, et sa réponse fournit un exemple remarquable de cette politique qui allait bientôt se trouver débordée par les passions chauvines du parti dominant. « Nécessairement, disait l’initiateur de l'alliance, des popu-« lations grecques, et des groupes compacts de ces populations, passeront sous « la domination de nos alliés. Et cela, non pas parce que ces pays ont été « conquis par nos alliés ou parce que nos alliés l’exigent; mais parce que « des raisons géographiques nous y contraignent. Et cela est si vrai que, même « si nos alliés se montraient disposés à nous laisser étendre nos frontières « vers ces régions pour en englober les populations grecques, moi, du moins, « en ma qualité de ministre responsable, je n'accepterais jamais ce tracé de « frontières, plein de périls pour nous. Car si nous devions nous étendre sans « solution de continuité, le long de la mer, pour arriver à englober toutes les « populations grecques de la Thrace, la Grèce, ainsi allongée, sans colonne \ oii ce mémoire public, avec les soixante-deux autres, dans les annexes du livre intéressant cl instructif de M. Charles Vellay, l’Irrédentisme hellénique, cité plus haut.