LES DÉPOSITIONS 359 être sérieuses et plus ou moins véridiques; je dis « plus ou moins », car il me semble que, post factum, vu l'état d’esprit des ex-belligérants, les caractères nationaux et les passions déchaînées de part et d’autre, aboutir à la vérité vraie est presque impossible. Je n’ai certes pas la prétention d’y atteindre, mais je voudrais prouver par des faits passés devant mes yeux, que souvent les meilleures intentions — qui sans doute étaient celles du correspondant — atteignent à des résultats bien éloignés de la réalité. Il affirme, entre autres, que la ville d’Andrinople a été saccagée, pillée et à moitié détruite par les Bulgares, lorsqu’ils y sont entrés. « Je suis allée à Andrinople le troisième jour de l’occupation bulgare, et ma première impression en pénétrant dans la ville a été celle d'un profond étonnement de l’ordre qui y régnait, malgré qu’alors il n’y avait encore que 3o hommes de police; toutes les rues étaient littéralement bondées de troupes qui circulaient, visiblement heureuses de la victoire, mais sans rien d’offensif ni d’offensant pour les vaincus. « Près de Sultan-Selim se trouvait une grande foule qui désirait pénétrer à l’intérieur, mais les portes étaient closes et les sentinelles ne laissaient entrer personne. Me voyant en costume de Sœur de charité et accompagnée d’un officier bulgare légèrement blessé, on nous fît pénétrer par une des petites portes latérales, où il n’y avait pas de rassemblement, et, à ma demande pourquoi l’on n’admettait pas le public sans autorisation spéciale, le gardien me répondit que, le premier jour, des soldats avaient commis quelques dégâts et qu’aussitôt des mesures avaient été prises en conséquence. Je regardais anxieusement autour de moi, craignant de voir et m’attendant à d’irréparables ravages, mais excepté un trou percé par un obus (fig. i5), durant le siège, dans une partie du toit, à un angle reculé d’un des petits escaliers, je ne vis qu’un ordre parfait : les tapis somptueux et d’une valeur incalculable soigneusement roulés, les nattes étendues sur les dalles, les guirlandes de lampions de verre dont est garni l’intérieur de la mosquée, sauf une dizaine, qui peut-être manquaient depuis longtemps, — tout en bon état, une propreté irréprochable partout : certes, l’aspect de Sultan-Selim, alors, n’était pas celui d’un édifice « saccagé et souillé ». « De là, j’allai à notre consulat, où l'on me fit un récit palpitant des ravages commis à Sultan-Selim, dont on avait entendu raconter de sinistres détails, et grande fut la surprise des personnes réunies lorsque je racontai ce que je venais i e voir. Si, à ce moment, dans la ville même, de pareilles versions ■étaient possibles, à quels racontars ne peut-on s'attendre après des mois? « Le correspondant du Daily Telegraph s’éloigne aussi de la réalité en décrivant l'assassinat d’un Grec qui aurait été commis par les troupes bulgares. Ce fait s'est passé tandis que j’étais à Andrinople; j’ai vu le corps mort (qu’on