LE CONFLIT ENTRE LES ALLIÉS 31 l’imprévoyance de la Turquie, qui allait vers sa dissolution ; 20 l’impuissance de l’Europe à imposer à la Turquie constitutionnelle les réformes qu’elle avait réussi à introduire dans la Turquie absolutiste, et 3° la conscience de l'accroissement de force que l'alliance avait donnée aux Etats balkaniques qui avaient chacun une mission nationale à accomplir : celle de protéger leurs compatriotes et leurs coreligionnaires habitant la Turquie contre la politique d’ottomanisa-tion qui menaçait de devenir fatale à leur existence nationale. Les deux premières raisons ont rendu la guerre possible et inévitable. La troisième en a garanti le succès. En quelques semâmes, les territoires de la Turquie d'Europe étaient envahis par les armées alliées, et tout le pays à l'ouest de la ligne fortifiée de Tcha-taldja et de la péninsule de Gallipoli, excepté l’Albanie, leur appartenait en commun, en vertu du « condominium ». Tel était, du moins, le principe admis par le traité. Mais il s’agissait à présent de concilier ce principe du « condominium » avec le fait de l’occupation et avec les demandes nouvelles qui surgissaient comme conséquences du succès inattendu. Ainsi qu’on devait s’y attendre, partager était plus difficile que conquérir. Une autre guerre, la lutte pour 1’ « équilibre », allait suivre la première, la lutte pour la liberté. § 4. — Le conflit entre les alliés Des germes de discorde existaient déjà, depuis longtemps, entre les nationalités des Balkans. Ils ne pouvaient pas être étouffés par les traités d'alliance que nous connaissons. Au contraire, les textes de ces traités ont créé de nouveaux malentendus et donné des prétextes apparents pour couvrir les vraies raisons des conflits. Pour empêcher ces germes de discorde de se développer, un seul moyen pouvait être efficace : celui de garder le statu quo territorial de la Turquie, en donnant aux nationalités leur autonomie, mais sans changement de souveraineté. Ce ne pouvait être, il est vrai, la solution définitive ; ce ne pouvait être qu’un délai, une étape, mais qui aurait ménagé la transition. Faute de cette solution (que la Turquie a d’ailleurs rendue impossible par ses fautes, l'Europe par sa trop longue patience et les alliés par leurs succès), le passage fut trop brusque. Il amena les résultats déplorables que nous allons étudier en exposant les « excès » des différentes nationalités, réduites à lutter pour leur existence, à l’aide des moyens les plus primitifs.