LES ORIGINES DES DEUX GUERRES BALKANIQUES Vous dites que la Turquie était prête alors à nous céder Andrinople? Mais c’est une conjoncture qui ne s’est jamais présentée. — Vous citez, comme preuve, la mission mystérieuse du banquier bulgare, M. Kaltchev, à Constantinople,les io-i2/a3-25 décembre ? Sans insister sur le fait que le Gouvernement n’était pas prévenu de cette mission toute confidentielle (le premier acte de M. Guéchov, en l’apprenant, fut de proposer sa démission), M. Kaltchev, lui-même, et son interlocuteur, M. Noradounghian, ministre des Affaires étrangères du Cabinet de Kiamil firent connaître, par la voie de la presse, qu’il s’agissait de l’autonomie de la Thrace et du condominium à Dedé-Agatch, mais qu’il n’était nullement question de céder Andrinople1. M. Ghénadiev parle encore d’une troisième occasion qui s’était présentée de traiter : l’entrevue du général Savov avec Nazim-pacha et Noradounghian, à Tchataldja, le 26 décembre/8 janvier, pendant laquelle les ministres turcs se résignèrent à l’abandon de la place assiégée, moyennant quelques concessions en faveur des établissements religieux musulmans et l’engagement de ne pas soutenir les Grecs dans leurs prétentions sur les îles. Mais tout cela est faux, assure M. Théo-dorov, et au cas même où les choses se seraient passées ainsi, accepter ces conditions équivoques, c’eût été consentir à la rupture de l’alliance et à l’arrêt des pourparlers réguliers qui se poursuivaient à Londres. Le dernier mot sur toutes ces questions de fait n’a probablement pas été dit encore. Mais ce qui est clair, dès à présent, c’est que si M. Théodorov a réussi, en se disculpant, ainsi que le Cabinet de M. Danev, à s'excuser d’avoir manqué toutes ces belles occasions de traiter, ç’a été seulement en rejetant les responsabilités sur d’autres plus haut placés. On a pu voir, par ce qui précède, qu’à la fin de 1912, il y avait déjà en Bulgarie deux politiques : celle du Cabinet et celle des personnes qui étaient en contact direct avec l’armée. Si les ministres voulaient observer fidèlement les termes de l'alliance, on s’embarrassait peu de tout cela dans l’entourage du général Savov. La presse a beaucoup parlé des tendances romanesques de cet entourage, du désir du tsar Ferdinand lui-même de faire son entrée triomphale à Constantinople, des chevaux blancs et de la selle précieuse de Venise, tenus prêts pour l'attaque de Tchataldja, qui suivit immédiatement la proposition de paix de Kiamil du 29 octobre/11 novembre, proposition dont la fâcheuse issue du combat a affaibli notoirement la chance. Ce qui est malheureusement sûr, c’est que les prétentions augmentaient toujours. Après avoir demandé Andrinople, on avait proposé une nouvelle frontière, Rodosto-Malatra, au lieu de Midia-Enos, que la diplomatie internationale avait déjà adoptée. Evidem- 1 Kiamil demandait qu'on laissât sortir la garnison d'Andrinople et qu’on lui laissât le passage libre,'jusqu'à Tchataldja.