144 LA GUERRE ET LES NATIONALITÉS par M. Pachits lui-même, souhaitait un régime « libéral » en Macédoine et repoussait énergiquement toute « dictature militaire ». On voulait laisser la population des territoires nouveaux exprimer son loyalisme d’une manière spontanée et attendre « jusqu’à ce qu’elle se rendît compte que son sort nouveau était plus doux que l’ancien ». Pourtant, les milieux militaires ne partageaient pas cette opinion. Ils étaient pour le recours à l’administration militaire, une administration civile « devant être impuissante à réprimer la propagande que les Bulgares ne manqueraient pas de faire1 ». Il est vrai que le régime « libéral » projeté par M. Pachits ne l’était pas aussi pleinement que celui qui était décrit dans le manifeste bulgare aux habitants des pays annexés dont on a lu deux pages plus haut le texte. On ne voulait pas donner aux nouveaux citoyens le droit de vote, de peur d’introduire à la Skoupchtina un nouveau parti « macédonien » qui aurait bouleversé de fond en comble tous les rapports entre les partis en lutte dans le royaume et qui aurait été l’objet de la jalousie commune. Il était question encore d'une sorte de régime électoral local, d’un self-government. On projetait aussi une sorte de compromis d’administration militaire avec adjonction d’un administrateur civil et de représentants des ministères de Belgrade, suivant le précédent pratiqué en Bosnie et en Herzégovine avant l’annexion de 1908. En tout cas, il y avait entre les vues de M. Pachits et celles de ses collègues du Cabinet, sans parler du parti militaire, une divergence si profonde sur cette question de l’administration à constituer en Macédoine qu’on parlait de la démission de M. Pachits. M. Pachits ne démissionna pas et n’imposa pas davantage sa manière de voir. Les voix isolées, comme celle du président de la Skoupchtina, M. André Nicolits, qui demandait dans la presse étrangère des garanties constitutionnelles pour la Macédoine et qui protestait contre le régime exceptionnel, se turent. Le Piémont, l’organe du parti militaire, déclarait ces idées « contraires aux intérêts de l’Etat » et assurait au public serbe que « la population « de Macédoine n’avait pas songé un instant aux élections, ni au self-govern-« ment communal, etc. », et que « seul, un régime militaire pouvait se montrer « entièrement juste, humainement sévère et assez ferme pour anéantir la « volonté des individus et des groupes ennemis de l’Etat ». Il fallait donc considérer la Macédoine comme une dépendance, une sorte de colonie conquise que les conquérants pouvaient administrer à leur gré. Pendant les débats de l’adresse à la Skoupchtina (novembre), cette manière de voir a trouvé une expression très nette dans une réplique d'un membre du Cabinet, M. Protits, interpellé par un député de l’opposition : « La question », 1 Voir la Stampa du 13/26 août. Toutes les communications faites à ce journal nous ont été révélées, k Belgrade même, par des sources serbes directes et dignes de confiance.