170 LA GUERRE ET LES NATIONALITÉS ne voulait pas, à Belgrade, quelle circulât librement. Un journal de Belgrade trahit cette appréhension en accusant M. Milioukov de vouloir détourner la Commission de son but principal en lui faisant visiter Uskub, Vélès, Mitrovitsa, Prizrend, Monastir, Tétovo1, etc. Certes, on déclarait ne rien avoir contre les visites des étrangers en général. Mais on voulait les contrôler. Dans notre chronique manuscrite des événements en Macédoine, nous trouvons, à la date du 10 février, une remarque du vicaire de Koumanovo : « Hier soir, trois Euro-« péens, des Anglais, sont arrivés dans notre ville, Au dire des Serbes, c’étaient « des personnes envoyées pour étudier l’état de la population. Ils ont été logés « chez le vicaire de l’archevêque serbe. Aujourd’hui, ils ont fait le tour de la « ville et sont allés chez les autorités. Une quantité de Bulgares (et, dans le « nombre, la femme et les frères de l'Ordé Yovtchev disparu) ont essayé d’être « reçus par eux ; mais le Gouvernement n'a admis personne. Seul, un groupe « de Turcs leur a été présenté. On les questionna sur les conditions actuelles de « leur vie. Terrorisés d'avance, ils déclarèrent « qu'ils vivaient bien ». On a fait « à la Commission Carnegie l’honneur d'admettre qu elle ne se trouverait pas « satisfaite à si bon compte que ces touristes... » L’œuvre de la pacification forcée que nos documents révèlent est-elle définitive ou seulement durable ? Les « ordonnances » du a i septembre permettaient d’en douter. Tout ce que la Commission a appris depuis contribue à confirmer ces doutes. Les Serbes, dans les articles de leur presse, se montrent, certes, optimistes. Mais c'est un optimisme sui rjeneris (pii se satisfait à peu de frais. Voici ce que «lisait à la fin d’octobre le journal patriotique et militariste Piémont, tout heureux de l’état des choses â Chtipe (Islip) : « Tout se passe à Chtipe comme « dans la Serbie ancienne. Les gens deviennent plus agiles, se promènent et 1 Les Balkans, du 1Z/1G août. La Commission n'avait paseu cette intention,le temps dont elle disposait et l’itinéraire arrêté avant le départ de Paris ne le lui permettant pas. En ce qui concerne M. Pachits, il faut noter que la raison la plus importante dont il expliqua son refus à la Commission fut que « l’armée serait indignée » de la présence de M. Milioukov à l’intérieur. La campagne de protestations et de calomnies contre la présence de M. Milioukov parmi les membres do ln Commission dure encore dans la presse serbe. Dans une correspondance de Paris, la Politika de Belgrade rapporte, dans son numéro du 11/24 novembre, que M. Milioukov a proposé au photographe russe Tchernov, au nom de la Dotation Carnegie, une somme de 40.000 francs pour lui acheter les photographies qu il possède des « atrocités bulgares », afin de les soustraire à la publicité, ce a quoi M. 1 ehcrnov n’aurait pas consenti. La vérité est que M. Milioukov, accompagné de M. Üodart. est allé voir les photographies que M. Tchernov leur a présentées, au Grand Hôtel tic Paris,comme des témoignages, non des «atrocités bulgares », mais des «atrocités de la guerre » en général et dont il offrait en vente des reproductions. Les deux envoyés de la Dotation ont trouvé les photographies intéressantes et tout à fait authentiques, et en ont commande pour la Commission quelques exemplaires. Voilà comment on a travesti la vérité.