ANDRINOPLE 95 péenne, par exemple l’article de Barzini dans le Corriere delle Sera, on ne parvient pas à se persuader que l’isolement des malades a eu vraiment les heureux effets dont parle le général Yasov. Le nombre des morts a donné lieu à des appréciations divergentes. Le major Mitov parle d'une trentaine de morts dès la première matinée. Le major Choukri-bey, officier prisonnier, estime à une centaine le nombre des morts pour une seule journée; le général Vasov évalue les décès à 100 ou 200 en tout. Mais les chiffres véritables doivent être plus élevés. Le témoin turc rencontré par l’enquêteur delà mission lui a raconté que le groupe dans lequel il se trouvait comprenait environ 1.800 personnes, serrées dans un espace étroit qu’il montrait du geste. Sur ce nombre, disait-il, pendant la nuit du i5 mars, 187 moururent de faim et de froid. Il est à noter que la maladie n’est mentionnée, par les témoins, qu’au second et même au troisième rang des causes de la mortalité. La raison principale des décès reste ce qu’elle avait été pendant le siège : la faiblesse et l’épuisement produits par la faim, qui a fait sentir ses tortures non seulement pendant les cinq journées du dernier combat dont parle M. Vasov, mais durant des mois entiers. Certes, il faut tenir compte aussi de la difficulté d’approvisionner les 55.000 prisonniers ou habitants, par suite de l’explosion du pont sur l’Arda et de la destruction des dépôts turcs. On lira aussi (Annexe n0 80), l’ordre donné par le général Vasov, le 29 mars, pour adoucir le sort des prisonniers et prévenir l’expansion du choléra. Mais tout cela une fois admis, un fait subsiste qu’il est impossible de nier : c’est l’indifférence cruelle du commandement à l’égard du sort des prisonniers, en général. Ce fait est pleinement confirmé par les dépositions des officiers turcs prisonniers à Sofia. La conduite des vainqueurs envers leurs adversaires captifs a été déplorable. Certaines rigueurs rapportées par les officiers turcs pourraient, sans doute, être invoquées comme une conséquence des tentatives faites par certains prisonniers pour prendre la fuite. Mais les nombreux cadavres des vaincus, passés à la baïonnette pendant la nuit et laissés à l’abandon dans les rues jusqu’à midi, témoignent que la cause précédente ne suffit pas à tout expliquer. Le cas, raconté par M. Machkov, d’un officier turc prisonnier, que sa faiblesse empêchait de marcher et qui fut tué par le soldat bulgare chargé de le conduire, ainsi qu’un juif qui avait essayé de prendre sa défense, est pleinement confirmé par Hadji-Ali, officier de réserve, lui-même prisonnier à Sofia. M. Machkov connaît le nom du juif compatissant, Salomon Behmi. On a communiqué au délégué de la Commission, à Andrinople, les paroles mêmes que ce juif prononça en turc : « Yaryk, wourma ! » « (C’est un péché; ne tue pas !) » Hadji-Ali, d’autre part, connaît le nom de l’officier turc tué : c’est le capitaine Ismaïl-Youzbachi, qu’il a vu tomber de ses propres yeux. La mort des treize Turcs, tués dans la mosquée Miri-Miran, ne peut pas être