LA MACÉDOINE GRECQUE 197 l'armée bulgare. Mais cette nouvelle fut reçue à Salonique le 8/a i août, c'est-à-dire lejour même où l'incendie commençait à Strumitza. Pendant les dix jours précédents, les habitants grecs, dans une série de voyages répétés, avaient emporté hors de la ville toutes leurs richesses à l’aide des automobiles que le Gouvernement mettait à leur disposition. Les Turcs et les Juifs avaient été forcés de les suivre. Cette opération finie, les Grecs mirent le feu au marché, dans la partie sud-ouest de la ville, près de la maison du docteur grec Rixo-poulo. Leur dessein était, comme on en avait répandu le bruit à Salonique avant la catastrophe, de faire croire à l’opinion internationale que la population elle-même avait brûlé ses maisons, de peur de rester sous le joug bulgare. La population des quartiers bulgares (qui ne constituait qu’un quart de la population entière), en voyant le marché prendre feu, sortit dans les rues qui étaient désertes, et, pendant la nuit du 8 au 9, les Bulgares réussirent à éteindre l’incendie. Ils pensaient, à ce moment-là, que l’armée grecque était partie, mais elle n’était que cachée. Le matin du 9, les soldats grecs reparurent en menaçant les Bulgares de mort. Dès lors, la population bulgare se retira dans ses maisons, n’osant plus sortir pour éteindre le feu. C’est alors que les Grecs coupèrent les conduites d'eau et brisèrent les pompes à incendie. Le soir, le feu fut mis de nouveau et, pendant la nuit, les quartiers grec et turc commencèrent à brûler. Les soldats grecs ne se cachaient plus et un grand nombre de témoins ont pu les voir à l’œuvre. Ils avaient à la main des bombes, qu’ils mettaient sous les édifices, et en quelques minutes les maisons étaient en feu. On a vu aussi six ou huit soldats mettre le feu à la caserne, à trois reprises, avant de pouvoir y réussir. Un vlak a raconté à notre témoin que des agents de la police grecque en uniforme l’avaient réveillé, lui et sa famille, et lui avait dit de sortir immédiatement, car ils allaient brûler la maison, ce qu’ils firent, aussitôt la famille partie. Cela dura pendant toute une semaine, jusqu’au i5 août, date où toute la ville, à l’exception des deux quartiers bulgares *, se trouva réduite en cendres. Trois jours après, l’armée bulgare arrivait. Un de nos informateurs nous a dit qu’on essaya de faire signer au lieutenant-colonel bulgare une déclaration officielle qui aurait attesté que les maisons avaient été brûlées par leurs propriétaires. L’officier bulgare refusa. L’affaire de Strumitza jette une vive lumière sur une quantité d’événements semblables où l’intention et l’organisation préalables ne sont pas aussi faciles à discerner. Si elle semble surpasser tout ce que nous avons rapporté jusqu'à présent, c'est uniquement parce que nous pouvons mieux en 1 Les quartiers bulgares furent épargnés, en partie, grâce à l'intervention d’un Européen protestant (il y avait une petite communauté bulgare protestante), et en partie, comme résultat de la tactique générale qui consistait à faire croire que c’étaient les propriétaires grecs qui brûlaient eux-mèmes leurs immeubles, en fuyant le régime bulgare.