L'ETHNOGRAPHIE ET LES ASPIRATIONS NATIONALES 3 téra pas complètement. Un certain mécontentement existait toujours entre les pasteurs et leurs fidèles; ceux-ci ne pouvaient pas oublier que jadis ils entendaient leur messe célébrée dans la langue nationale par un prêtre élu, qui s intéressait à autre chose qu’à des questions d’impôts et de corvées. Le prêtre grec se trouvait de son côté dépaysé au milieu de ces populations slaves ; ami des Muses, il se sentait humilié dans ce milieu barbare parmi ces « porteurs de peaux de mouton ». Il devait suflire, dès lors, de circonstances favorables, d'une étincelle apportée du dehors, pour que la flamme nationale se rallumât. Nous ne pouvons pas, dans cette esquisse trop sommaire, suivre dans le détail cette histoire du réveil de l'idée nationale dans les Balkans. Elle remonte aux origines mêmes de la conquête turque. Les Serbes, puis les Roumains, soumis en dernier lieu par les Turcs, ont été les premiers à revendiquer leur autonomie. Les Serbes surtout ont été plus favorisés dans ce développement de la conscience nationale, parce qu'une grande partie du peuple serbe était restée en dehors de la conquête ottomane. Ceux qui habitaient l’Autriche-Hongrie — sans parler de ceux qui, sur les bords de l’Adriatique, avaient, depuis le xvi* siècle, subi l'influence de la littérature italienne — avaient été initiés, longtemps avant les Serbes de Turquie, à la civilisation européenne. Raguse (en slave, Doubrovnik) d’abord, Agram (en slave, Zagréb) ensuite, ont servi, avant Belgrade, de centres intellectuels à la nation serbe. Dans la Serbie proprement dite, la [lutte pour l’indépendance a précédé le développement intellectuel de la nation. Pendant le séjour de notre Commission à Belgrade, on a élevé un monument en l’honneur du premier libérateur de la Serbie, le fondateur de la dynastie actuelle, Kara-Georges, celui qui, il y a plus d'un siècle, en 1804, organisa la première résistance du peuple aux maîtres turcs. L’année 1813 marqua la défaite de la première insurrection; Kara-Georges s’enfuit en Autriche et fut tué en 1817. Mais le nouveau chef avait déjà paru : c'était le fondateur de la seconde dynastie serbe, récemment éteinte avec Alexandre et Draga, Miloche Obrénovits, fils de paysan, comme Kara-Georges. La seconde insurrection, guidée par Miloche, eut plus de succès que la première. La convention d’Akkerman ( 1826) assura à la Serbie une sorte d'autonomie sous le protectorat russe, et le Hattichérif de 1829 confirma et compléta cet acte, en faisant de la Serbie une principauté héréditaire sous la suzeraineté du Sultan. Un an plus tard, un autre Hattichérif reconnaissait aux Serbes le droit d’ouvrir des écoles primaires et, en 1835, il en existait 72 pour toute la principauté. La Grèce, à 1 autre bout de la péninsule, avait suivi de près l’exemple donné par la Serbie. Là encore, les efforts du réveil national accomplis en