60 GRECS ET BULGARES furent, en général, corroborées par les missionnaires protestants, qui travaillaient dans le même district. Les bandes bulgares de la région de Kukush ne furent troublées par personne, durant plusieurs semaines, dans leur œuvre de pillage et d’extermination. Il n’y a pas de doute qu'elles massacrèrent plusieurs centaines de soldats turcs, débandés et désarmés, qui s’étaient rendus aux Grecs, à Salonique, et qui traversaient Kukush pour retourner chez eux dans la Macédoine du nord. La responsabilité des autorités bulgares est plus directement engagée dans le massacre de Turcs qui se produisit à Serrés, peu de temps après la prise de la ville. Il y avait là une garnison bulgare suffisante et une administration régulière. Nous avons sous les yeux un témoignage détaillé fourni par le président de la communauté turque de Serrés, confirmé par le vice-consul d’Autriche (grec) et par d’autres résidents grecs. Leur déposition est peut-être tendancieuse et exagérée ; néanmoins, les grandes lignes nous en ont été confirmées par le rapport confidentiel que nous a fait un Américain, qui s’employa, après le massacre, à secourir la détresse des musulmans. Les événements qui précédèrent le massacre sont fort obscurs. Il y eut des coups de fusil mystérieux et on supposa (nous n’avons pas pu savoir si cette supposition était fondée) qu’un grand nombre de soldats turcs étaient cachés dans la ville. En examinant charitablement les faits, il est peut-être juste de supposer que les autorités bulgares redoutaient, en effet, une révolte. Cela explique, sans l’excuser, le massacre qui suivit. On trouvera dans l'Appendice (n° 8) la version turque de cet épisode. Les évaluations fournies par les Turcs et les Grecs, et qui vont de 600 à 5.000 victimes, sont certainement exagérées. Notre informateur américain, homme prudent et impartial, et qui a une longue et intime connaissance de la Macédoine, estime que le nombre des morts fut, au plus, de 200. Il insiste néanmoins sur ce fait que le massacre fut prémédité, accompli sans provocation, et qu'il s'accompagna d'un pillage en grand, avec viol des femmes et des enfants. Des horreurs analogues furent accomplies dans les villages. Les instruments de ces atrocités furent principalement des insurgés macédoniens (comitadjis), mais ils opérèrent sous les yeux des autorités militaires bulgares, qui, pourtant, disposaient à Serrés de forces régulières suffisantes pour les arrêter. Ces exemples doivent suffire à donner une idée des souffrances endurées par les Musulmans, pendant les premières semaines de l'occupation. Malheureusement, il serait facile de les multiplier. On trouvera dans l’Appendice le détail d un massacre moins important, et très exagéré d’ailleurs par la presse, le massacre de Dedeagatch, qui fut l'œuvre de la lie des populations chrétiennes (Grecs et Arméniens), aidées de quelques soldats bulgares de la Légion macédonienne qu on avait, par hasard, laissés sans officiers dans la ville (nos 9 et 10).