334 DOCUMENTS RELATIFS AU CHAPITRE TROISIÈME en proie à une indicible angoisse, ils attendirent l’accomplissement de leur sombre destinée. Heureusement, deux médecins militaires, ainsi que quelques compagnies de soldats veillaient sur ces réfugiés et leur donnaient du courage. N'oublions pas de dire que le Kaïmakam, accompagné du commandant de la gendarmerie et d'un gendarme, arriva le même jour, vers 11 heures du soir (à la turque), à Malgara et déploya d’inutiles efforts pour éteindre l'incendie. La nuit, il fit appel au concours des Arméniens. Mais les femmes et les enfants ne voulurent pas se séparer de leurs maris, de leurs fils, de leurs frères. Le Kaïmakam sollicita alors le concours des troupes. Le commandant répliqua : « Que m’importe, puisque les véritables intéressés restent indifférents ‘ ! » Le fléau accomplit ses ravages avec une rapidité foudroyante. D’autre part, soldats et Bachi-bouzouks pénétrèrent dans les maisons et les pillèrent en toute liberté. Quelques Arméniens, qui eurent le courage de s’approcher de leurs demeures pour tâcher de soustraire à l'incendie une partie de leurs meubles, furent empêchés d’y entrer par des soldats qui leur criaient : « Yassak (c’est défendu). » Nous apprenons même que quelques Arméniens ont été, pour ce simple acte si naturel, arrêtés par ordre de l’autorité militaire et sont encore détenus. A G heures de la nuit (à la turque), le Kaïmacam revint auprès des Arméniens et les adjura de nouveau, en se portant personnellement garant de leur vie, de prêter leur concours en vue de l’extinction du sinistre. 5o à 60 jeunes gens s'offrirent, au péril de leur existence, et, grâce à leurs efforts, le feu put être maîtrisé. L’infortunée population arménienne passa toute la nuit en plein air. Le lendemain, les corps des victimes tombées au marché furent déposés dans la cour de l’église. Huit jours après la catastrophe, aucun Arménien n’osait encore s’aventurer sur les lieux dévastés par l'incendie, les ruines fumaient toujours, et des enfants musulmans retiraient de dessous les décombres des objets appartenant aux Arméniens et s’empressaient de s’en emparer. Une semaine après, d'un endroit situi à 2 heures et demie de distance, on apportait le cadavre, affreusement mutilé et devenu méconnaissable, d'un notable Arménien de Malgara, Bared-effendi-Adjémian. Nous joignons à notre rapport une liste indiquant les noms des 12 Arméniens tués à Malgara, des 10 Arméniens blessés, des 8 disparus et des 7 emprisonnés, le nombre des boutiques brûlées (218) et celui des maisons (87). ‘En cette circonstance, un simple soldat leva la main sur le Kaïmakam qu’il n’avait pas reconnu.