ANDRINOPLE 101 des Bulgares eux-mêmes avouent que, par leur extérieur, les officiers serbes avaient « l'air plus distingué », et que leur tenue impressionnait favorablement lorsqu’on la mettait en parallèle avec 1’ « arrogance » bulgare. Dès lors, il va de soi qu’on préférait d’ordinaire, comme locataire, l’officier serbe à son collègue de l’autre armée. Néanmoins, il est tout aussi probable que beaucoup de gens furent bien aises, surtout pendant les journées de trouble, d’avoir un officier bulgare chez eux, pour se mettre à l'abri des coups de main de la populace et de la protection, toujours suspecte, des patrouilles. Il semble bien cependant que les notables des quartiers grecs firent exception, qu’il y eut des cas où ils opposèrent un refus absolu à la commission chargée de distribuer les logements1, et qu’il fallut, dès lors, à l’occasion, recourir à la force. Il arriva même qu’on ne put pas trouver, pour le général bulgare Khésaptchiev, par exemple, de logement convenable, et que l’on dut, à son retour de Salonique, l’installer à VHôtel du Commerce. Que les officiers — et pas seulement ceux de l’armée bulgare — aient emporté quelquefois, en partant, des « souvenirs » pris dans les maisons qu'ils avaient habitées, c’est ce qu'il est difficile de nier. Mais lorsqu’on raconte que l’on a envoyé à Sofia « des trains remplis de ce pseudo-butin de guerre », on exagère à plaisir. Le « cas » Chopov a été tiré au clair par M. Chopov lui-même (voir Annexe 78), et le témoignage des marchands turcs, au besoin, confirmerait les explications de l’intéressé. L’histoire de Rodrigues, sujet autrichien, a fait aussi un certain bruit, et l’on dit que les autorités bulgares elles-mêmes ont promis à la Commission d’enquête de fixer les responsabilités et de réparer le dommage causé. Il a été question encore d’une maison d’Andrinople, celle de Nissim-Ben-Sousam, d’où l’on aurait emporté des dentelles, des rubans et même des souliers de bal de dames. Dans un journal de Sofia, le Dnévnik, on a pu lire les aveux naïfs d’un officier bulgare, M. Nikov, qui, lui aussi, s’est révélé grand amateur de bibelots d’Orient. Il a vu, dans les premiers jours qui suivirent la prise de la ville, une vieille femme grecque emporter un banc d’un joli travail, avec des incrustations dans le goût oriental. Il s’est rappelé alors toute la peine et toutes les privations qu’il avait eu à subir pendant les longs mois du siège, au fond des tranchées boueuses, et cette idée a fortifié en lui la conviction qu’il avait droit à ce meuble de prix. En conséquence, au lieu de le transporter au dépôt ouvert par M. Chopov, il en a... exproprié la mégère qui, elle-même, le détenait par une expropriation semblable. Ces officiers-lk sont venus déposer devant la Commission ou ont fait des aveux publics. Mais il doit y en avoir 1 Celte Commission était composée de Fouad-bey, du maire, le docteur grec Courtidis, d’un Arménien et d’un Juif.