LA MACÉDOINE GRECQUE 181 Chéréfa et le Dr Mitzopoulos » qui « se rendirent à bord de la Catherine, où « l’andarte souffleta par deux fois le prélat bulgare et lui donna même un « coup de pied aux reins ». Est-il besoin, après ces scènes de barbarie, de raconter les nombreuses histoires de perquisitions à domicile et d’arrestations arbitraires qui eurent lieu pendant ces journées du 17 et du iy à Salonique et dont les membres de la Commission ont eu connaissance? Pour compléter le tableau, il suffira de mentionner qu’avec la cruauté, la cupidité a joué son rôle dans tous ces actes. Si l’on a dévalisé régulièrement les victimes avant de les mettre à mort, on a pris encore plus souvent de l’argent comme rançon de leur vie et de leur liberté. On déroba l’argent des soldats envoyés à Trikéri, mais comme la la plupart avaient gardé quelque chose, voici la ruse que les gardiens grecs employèrent pour forcer leurs prisonniers à donner le reste1 : Vingt-huit prisonniers furent transportés du navire au rivage dans un petit bateau. Les Grecs, en s’approchant de la terre, pratiquèrent des trous dans le fond du bateau et l’eau commença à le remplir. Alors, on demanda aux prisonniers de donner leur argent, sous peine d’être noyés. Les témoins affirment que la menace ne resta pas vaine et que deux prisonniers qui n’avaient pas d’argent furent noyés. Tous les autres donnèrent ce qu’ils possédaient. A Salonique même, ceux qui ne voulaient pas être envoyés en prison ou internés payaient les agents de police qui les arrêtaient. Si l’on est arrêté par des fonctionnaires d'un rang inférieur, et si l’on s’exécute dès le premier moment, il est plus facile de s’en tirer et meilleur marché. Ainsi, on cite à Salonique les noms de personnes arrêtées qui ont été libérées le jour même au poste de police. Le marché est plus difficile et plus onéreux si le prisonnier est déjà transporté à la prison centrale. Mais tout n’est pas encore perdu. C’est ainsi que le père et le fils Dermendjiev versèrent 100 livres turques ; M. Piperkov, 5o livres ; M. Kazandjiev, on ne sait pas au juste combien. Le cas du député « stambouliste » de Plevna, M. Karabelev, propriétaire du Grand Hôtel, est plus compliqué. Arrêté onze jours avant la catastrophe du 3o juin, il remit la clef de son coffre-fort au consul russe. Ce fut en vain qu’on lui proposa de le mettre en liberté pour 25 napoléons. La police se présenta alors pour faire une perquisition légale dans son coffre-fort. Mais il était trop tard : le coffre-fort était brisé, et tout le contenu, diamants, titres, contrats, ainsi que quelques milliers de livres turques, avait disparu !... Mais la chose la plus simple, la plus facile pour chaque soldat grec, c’était de se présenter dans une maison bulgare quelconque et de demander : 1 Ce récit a été entendu par la Commission à Sofia, et les noms des prisonniers bulgares qui furent témoins du fait lui sont connus.