EN THRACE 109 eiers turcs eux-mêmes prévenaient quelquefois leurs protégés que les Arabes allaient venir et qu’il leur fallait être sur leurs gardes. Un soldat arabe, un catholique, a même avoué à l’un de ses amis, que les ordres exprès de leurs chefs étaient de brûler et de ravager d’abord les biens, puis de tuer tous les mâles, ensuite les femmes (ici encore, toutes ont pris la fuite), et que lui personnellement avait exécuté les ordres donnés. Nous ne mentionnerions pas ce récit, si nous ne le tenions d'une source excellente et si nous ne connaissions pas le nom du soldat en question, que nous nous abstenons, naturellement, de reproduire ici. Ces remarques faites et ces conclusions établies, nous pouvons maintenant nous transporter à une autre extrémité de la Thrace, pour y suivre la marche de l’offensive turque, dans son rapport avec les excès commis. Le membre de la Commission chargé de cette partie de l’enquête a eu l’occasion de s’entretenir librement avec des réfugiés bulgares, k Constantinople même. Ils traversaient Constantinople par groupes. Le membre de la Commission n’a pas rencontré là le groupe des 90 personnes, venues des villages de Tchanaktché, de Tarf, de Yeni-Tchiflik, de Seimen et de Sinekli. Il n’a pas retrouvé non plus le groupe des 190 fugitifs venus de Baba-Eski et de Lulé-Bourgas. Mais le troisième groupe, de 62 personnes, était encore là. Ce n’étaient presque que des vieillards, des femmes et des enfants. La plupart étaient des réfugiés des villages de Kara-Agatch (i3o maisons) et de Ivoum-Seïd (28 maisons), peuplés des Bulgares que les Turcs y avaient transférés en les enlevant au village de Bourgas, ainsi que ceux d’un troisième village, Mésélim (10 maisons). Voici le récit, un peu désordonné, que nous fit un habitant de Koum-Seïd, qui venait d’arriver la veille à Constantinople, et que le souvenir des horreurs dont il avait été témoin hantait encore : « C était le mer-« credi 3/16 juillet », commença-t-il ; « il était nuit et le village dormait. Tout « à coup les Turcs arrivent... Les femmes et les enfants s’affolent... Ils ont « demandé de l’argent. Ils ont tué beaucoup de monde. Nicolas, le boutiquier « (bakal), a été tué ; Stoyan Kantchev l’a été aussi, avec son fils âgé de quinze « ans. Puis ç’a été Démétrius Stoyanov, Saranda Nédeltchev, Démétrius Ghéor-« ghiev, Petro Stoyanov, Élie Athanassov, et son frère, Coné Athanassov « (dont voilà les enfants) ; puis, Nicolas Ghéorghiev, sa femme et son fils de « douze ans ; Démétrius Daoudjiski, Démétrius Christov, Christo Dimitrov... ; « 120 personnes s’étaient rassemblées dans une seule maison : les « Arabes » « sont arrivés et leur ont demandé : « Qui êtes-vous ? » et ces gens de répondre : « Nous sommes des Grecs. » Alors, on leur a demandé de l’argent. On a tout « pris. On cherchait dans les poches. Aux cris des malheureux, la cavalerie est « arrivée, mais celle-ci ne les a pas touchés : ce sont les « Arabes » qui les ont « molestés. L’attaque du village n’a duré que quinze minutes. Puis les Turcs se