6 LES ORIGINES DES DEUX GUERRES BALKANIQUES Gouvernement serbe s’intéresse à ces établissements et commence à les subventionner. D’autre part, la population de la Macédoine acceptait volontiers ces écoles. N’étaient-ce pas là des Slaves, venus en Macédoine pour combattre l’influence grecque? Mais bientôt on s’aperçoit que les maîtres d’écoles serbes sont venus faire de la propagande en faveur de leur nationalité. La presse bulgare s’en émeut, à partir de 1869, et une polémique très vive s’ensuit. Les partisans de la « fédération yougo-slave » se consolaient en se disant que la thèse nationaliste serbe n’était que l’opinion particulière d’un petit groupe de journalistes et de dilettantes d’histoire et d’ethnographie. Mais déjà nous avons vu l'Etat se porter au secours de la doctrine. Deux circonstances contribuèrent à accentuer cette tendance. L’une était l’organisation de la nouvelle église nationale bulgare : l’exarchie ; l’autre, l’échec diplomatique qui avait déçu l’espoir, dont la Serbie s’était bercée, d’obtenir une issue sur l’Adriatique. Nous avons déjà mentionné un premier succès de l’église exarchiste en Macédoine : à savoir les deux « bérats » accordant la fondation des évêchés d’Okhrida et d’Uskub. D’autres victoires allaient suivre. Les Grecs, naturellement, n’étaient pas contents de ce progrès, puisqu’ils avaient considéré la Macédoine comme leur patrimoine. Pour détourner les Bulgares de la Macédoine, ils eurent l’idée de leur proposer d’étendre leur organisation ecclésiastique aux terres serbes de Bosnie et d’Herzégovine. Cette idée plut aux Bulgares. Mais, tout en acceptant la proposition grecque, ils ne renoncèrent pas pour cela à leurs prétentions en Macédoine, et c’est ainsi que la liste des diocèses exarchistes à créer devint très longue et qu’elle embrassa bientôt toute la Macédoine, la vieille Serbie, la Bosnie et l’Herzégovine. Le Gouvernement serbe ne pouvait pas rester indifférent à ces prétentions, comprenant trop bien que les deux notions d’église nationale et de nationalité étaient inséparables. Le ministère serbe rappelait donc que la nature ethnographique des diocèses delà Macédoine restait sujette à discussion, mais que ceux de la vieille Serbie étaient incontestablement serbes. Si les diocèses bulgares désiraient former l’église exarchiste, les diocèses des anciennes provinces serbes devaient à leur tour reconnaître comme chef spirituel le chef de l’église de la Principauté de Serbie. La lutte pour la conquête de la Macédoine était là tout entière en germe. Et, jusque dans la tactique suivie, nous allons retrouver une image anticipée des derniers événements. La Serbie s'unit à la Grèce contre l’exarchie bulgare. Les Serbes, en lutte contre l’église nationale bulgare, préfèrent rester soumis au patriarche grec. Celui-ci en profite pour leur imposer des évêques grecs, et persiste à dénommer grecques leurs communautés religieuses. C'est ainsi que les Serbes de Turquie se privent volontairement de l’arme la plus efficace dans cette lutte nationale. Désormais, 1’« exarchiste », c’est exclusivement le Bulgare; et la population