136 LA GUERRE ET LES NATIONALITÉS « des fonctionnaires serbes, et les soldats restés vivants se sont enfuis de « l’autre côté de la rivière la Radika. » Après ce récit, on ne doutera pas non plus de la véracité du tableau d’ensemble, publié par le même journal le 3/16 octobre1 : « Les villages de Lochani, de Lissitchani, de Gitoché, de Dibrichta, de « Ilarlichté, de Dessovo, de Gradechnitsa, de Ptchélopek, de population mixte, « albanaise et bulgare, ont été pillés et incendiés. Plusieurs familles musul-« mânes de ces villages, parmi lesquelles des femmes et des enfants, ont été « massacrées sans pitié. En entrant dans le village de Portchassié, l’armée « régulière serbe emmena tous les maris hors du village et, là, fit venir les « femmes pour leur demander de l’argent en guise de rançon si elles voulaient « que leurs maris fussent libérés. Cependant, après le paiement de la rançon, « ces malheureux furent enfermés dans la mosquée, que l’on fit sauter à l’aide « de quatre bombes. Dans le village de Sulp, 73 Albanais ont trouvé une « mort horrible et 47 autres du village de Ptchélopek ont été lâchement assas-« sinés. Le préfet de Krouchévo, d’ailleurs, ne disait-il pas ouvertement d’in-« cendier, après le retour de l’armée serbe des frontières albanaises, tous les « villages situés entre Krouchévo et Okhrida? » Les pétitionnaires albanais qui se sont adressés, le 21 septembre, aux grandes Puissances, au nom des populations de Djakova, Ipek, Goussinié et Plava, de l’ex-vilayet de Kossovo, n’exagéraient donc pas quand ils constataient, au sujet de cet autre théâtre de la révolte, que « les troupes régulières serbes et « monténégrines, depuis le premier jour où elles ont envahi le territoire alba-« nais, ont tout'entrepris et tout exécuté, soit pour faire perdre leur natio-« nalité originelle aux habitants, soit pour y supprimer brutalement la race « shkiptare ». « Incendies de maisons et de villages entiers, meurtre en masse de popu-« lations désarmées et innocentes, violences inouïes, pillages et brutalités de « toutes sortes, voilà les moyens dont les troupes serbo-monténégrines se sont « servies et se servent encore dans le but de transformer entièrement la phy-« sionomie ethnique des régions exclusivement habitées par les Albanais. » Nous arrivons ainsi au second trait caractéristique des guerres balkaniques, et ce tràit est, du reste, la conséquence nécessaire du premier. Comme la population des pays qui allaient être occupés savait d’instinct, aussi bien que par tradition et par expérience, ce qu’elle avait à craindre des armées ennemies et des pays voisins auxquels appartenaient ces armées, elle se sauvait sans attendre 1 Voir encore la Reichspost du 29 septembre et rémunération des massacres commis au cours de la première quinzaine de septembre ïgt3, dans la pétition, citée ci-dessus, des représentants albanais réunis à Scutari, le 21 septembre.