LA GUERRE ET LES NATIONALITÉS « saucisson, le reniement de la foi musulmane, le Coran défendant de man-« ger du pore. La conversion était complétée par un certificat orné d'une « vignette représentant le baptême de Jésus, et dont le prix variait entre i et « 3 francs. « Un ami, arrivé hier de Thrace, me disait que, là aussi, les choses se pas-ci sèrent comme en Macédoine. Il me montra deux de ces certificats de baptême. « Il ajouta que les convertis étaient obligés de quitter le fez et les conver-« ties de marcher le visage découvert dans la rue. » Voici ce que dit ailleurs un petit fonctionnaire serbe, M. Drakalovits, dans un rapport officiel au sous-préfet de Kavadar, le 2 mars 1913 : « Il s’est « formé à Pechtchévo (plateau de Malèche) un Comité spécial sous la prési-« dence du sous-préfet bulgare, Chatoyev, comptant parmi ses membres le « directeur des écoles bulgares, Jean Ingilisov, et le frère du sous-préfet, le « prêtre Chatoyev. Ce Comité avait été institué en vue de la conversion de « tous les Turcs de Malèche au christianisme. Sur l'ordre du Comité, 4°° « paysans de Malèche s’armèrent de fusils et de bâtons, ils attaquèrent les « Turcs des villages voisins et les amenèrent de force dans l’église de Bérovo, « où ils furent tous baptisés. Pour finir, le 17 février, on baptisa de même « Bérovo, où se trouvaient dix familles turques et dix familles bosniques « (serbes) mahométanes. Pechtchévo seul fut épargné, et pour la raison (cela « m’a été rapporté) que le sous-préfet ne tolérait pas de violences dans la « ville. Un Turc de Pechtchévo m’apprit que chaque maison turque devait « payer 2 livres pour être protégée. Pour n’avoir pu supporter de telles charges, « quatre Turcs se pendirent de chagrin dans leurs maisons. On n’exigea pas « de conversions dans d’autres villages turcs, parce que la popidation était « trop pauvre, tandis que, comme on le sait, les Turcs de Pechtchévo étaient « riches. » La Commission a eu plusieurs fois l’occasion de s’entretenir de ces conversions avec les autorités civiles et ecclésiastiques bulgares. Ni les unes ni les autres ne les ont contestées, et elles ont été unanimes à les considérer comme une honte devant l’humanité et comme une grave faute politique envers ceux qui allaient devenir sujets bulgares. Que le lecteur lise ce jugement qui ne le cède pas en sévérité à tout ce qu’ont pu écrire les ennemis mêmes de la Bulgarie; c’est celui d’un intellectuel, l’écrivain bulgare A. Strachimirov1 : « Il faut « que ceux qui représentent la pensée et l’honneur du pays sachent que nos « autorités ont commis, dans les pays frontières habités par les Pomaks et nou-« vellement libérés, des actes honteux pour le pays et pour l'humanité. Un seul « but était visé : s’enrichir. La conversion n’était que le prétexte. Elle ne sauvait 1 Voir le journal bulgare Izgrève, du 19 octobre/icr novembre.