LE CONFLIT ENTRE LES ALLIÉS ■45 alliés et contre la lettre du traité, la frontière commune avec l’Albanie du côté de Débra. En même temps, M. Danev, en désaccord avec ses collègues du ministère, mais en harmonie avec le parti militaire, ne voulait pas renoncer à Salonique, que l’Autriche avait l’air de lui promettre, après avoir promis la plaine du Vardar à M. Pachits. Enfin, d’une part, on compliquait et embrouillait les choses, en dénaturant l’idéal national par des tendances mégalomanes, et, de l’autre (point de vue de MM. Guéchov et Théodorov), on voulait sauvegarder l’alliance. La Serbie se rapprochant de la Grèce, il restait à la Bulgarie à lier partie avec la Roumanie, pour ne pas se trouver entièrement isolée dans la Péninsule. C’était ce que voulait l'Autriche-Hongrie et elle favorisait cette politique. La Roumanie acceptait, mais... à condition d’obtenir cette même récompense qu’une convention secrète avec l’Autriche lui assurait au cas d’une guerre contre la Bulgarie : l’annexion de la ligne Tourtoukaï-Baltchik. A cette condition, elle resterait neutre; elle promettait même un secours militaire... contre la Turquie. Mais la Turquie était défaite et les ministres prétendaient ne pas vouloir de guerre avec les alliés : alors, à quoi bon sacrifier les meilleures terres bulgares? Les efforts pour l’alliance se brisent contre ces arguments hypocrites et de pure forme — ou trop naïfs. Au fond, on croyait, au contraire,que la guerre était inévitable et que... la Russie ferait le reste. Et la Russie menaçait la Bulgarie de l’invasion roumaine, au cas où elle voudrait avoir recours à la guerre. A la fin du mois de mai, la diplomatie russe fit un dernier effort pour écarter le conflit. Tout en consentant à jouer le rôle d’arbitre dans les limites de l’alliance, elle donnait des conseils de prudence : « Allez, disait-elle, au-devant des demandes de compensation serbes. Malgré la promesse explicite que vous firent les Serbes de ne rien demander en dehors de ce que leur accordait le traité, consentez à la cession de quelques villes au delà de la « zone contestée », « au delà » de la frontière que les Serbes avaient promis de ne pas « violer ». — Cette solution russe, impuissante à satisfaire les Serbes, n’avait pas beaucoup de chance d’être acceptée par les Bulgares. Les deux parties adverses trouvèrent dans l’attitude prise par la Russie de quoi douter de l'impartialité de son arbitrage. Les Serbes étaient sûrs que la Russie n’avait pas oublié la Bulgarie de San-Stefano, et les Bulgares ne pouvaient pas faire de la Macédoine une monnaie de change, sur le marché diplomatique. Des deux côtés, on arrivait à la conviction qu’il fallait chercher l’issue dans le conflit armé. Pourtant, il y eut une dernière tentative pour empêcher la lutte ouverte : les deux initiateurs du traité de l’alliance, M. Pachits et M. Guéchov se ménagèrent une rencontre à la frontière, à Tsaribrod. Ils voulaient essayer de résoudre les difficultés à l’amiable, sans « public » et sans « puissances ». Hélas ! ce qui était possible au mois de février ne l’était plus en mai.