50 LES ORIGINES DES DEUX GUERRES BALKANIQUES dont la portée est facile à comprendre après ce que nous venons de raconter, mais qui parut à Saint-Pétersbourg être un ultimatum : on demanda à l’arbitre de faire connaître son opinion dans les huit jours et on ajouta que M. Danev partirait dans trois jours. C’étaient, à peu près, les « dix jours » du télégramme de M. Savov. M. Nékloudov communiqua alors cette nouvelle agréable : la Serbie acceptait l’arbitrage sans réserve, et le Gouvernement russe donna quatre jours aux Serbes et aux Bulgares pour présenter à l’arbitre leurs memoranda. Le ii/a4 juin, M. Théodorov reçut une nouvelle lettre de l’ambassadeur bulgare de Saint-Pétersbourg qui le confirmait dans ses convictions et qu’il lut le même jour au Conseil des Ministres. Il y était dit : « La guerre sera notre perte » ; « l’empereur et le Gouvernement russe sont décidés à arbitrer conformément au traité et dans ses limites ». Il faut venir immédiatement, parce que « les absents ont toujours tort ». « Dans le cas « contraire, la Russie ne vous protégera en aucune façon, la France ne vous « donnera pas d’argent, l’Angleterre et l’Allemagne vous abandonneront à « vos seules forces. Comme l’Allemagne est, en ce cas, avec la Triple-Entente, « personne ne pourra contrecarrer la politique russe ; l’Autriche-Hongrie « n’ira pas au delà de certaines promesses platoniques, et enfin, la Roumanie « occupera sûrement vos terres, tandis que la Russie ne pourra plus vous « défendre ». (Cette lettre renvoyait au rapport adressé à M. Danev une semaine auparavant.) Tout cela fut dit en temps opportun, comme on le voit. Plus tard, ces prévisions furent confirmées par les faits. Mais ceux qui voulaient la guerre à Sofia n’en tiraient que cette conclusion : que la Russie ne voulait pas d’une Bulgarie forte et que la Bulgarie devait fara da se. Les partisans de la paix furent terrorisés par les patriotes macédoniens, qui menaçaient de tuer Danev, à la gare, au moment de son départ pour Saint-Pétersbourg et de faire marcher l'armée sur Sofia. L’opinion publique, à très peu d’exceptions près, était pour la guerre. C’est dans ces conditions que les chefs du parti de la guerre osèrent tout entreprendre. Aux timides et aux demi-initiés, on disait qu’il ne s’agissait que de demi-mesures, qui ne conduiraient qu'à des « escarmouches », comme il y en avait eu tant pendant les démêlés avec les Serbes et les Grecs sur les frontières contestées. Si vraiment on pensait ainsi, on comptait évidemment sans les événements. Le i5/a8 juin, le général Savov expédia au commandant de la quatrième armée le télégramme suivant : « Pour que notre silence en face des attaques « serbes ne produise pas un mauvais effet sur l’état d’esprit de l’armée, et « pour que, d’autre part, cela n’encourage pas encore l’adversaire, je vous « ordonne d'attaquer l’ennemi de la façon la plus énergique sur toute la ligne, « sans déployer toutes vos forces et sans vous laisser entraîner à un combat