EN THRACE 107 en dépôt de munitions. Une autre, décrite par M. Loti, a subi, en ell'et, de sérieux dommages. Le membre de la Commission a retrouvé des traces de sang sur le plancher. Les versets coraniques, à l'intérieur, sont en partie détruits; l’emplacement du Moaphil est abîmé; le member de marbre est à moitié cassé; les colonnes sont brisées. Il n’y avait plus, dans le minaret, les ordures que M. Loti y a vues, mais il en restait encore quelques traces. Par une ouverture pratiquée dans la coupole, on pouvait arriver au-dessus de la partie supérieure du plafond : ce plafond a été troué au milieu, et Rachid a assuré au membre de la Commission que, par là aussi, on répandait des ordures sur le plancher situé au-dessous. L'intention sacrilège est encore plus évidente dans la manière dont on a traité le cimetière. « Toutes » les stèles ne sont pas brisées, comme le dit M. Loti, mais il y en a qui le sont. Il est également vrai qu’une des tombes est ouverte. Au fond de la fosse, le membre de la Com -mission a retrouvé les débris d'une bouteille de cognac, reste d’un festin joyeux. Ajoutons, pour être justes, que les auteurs de cette infamie sont restés inconnus et qu'on a des raisons de l’attribuer à la population locale, plutôt qu’aux réguliers. 11 est à noter que les malfaiteurs s’en sont pris aux stèles et aux tombeaux récents, en laissant de côté les monuments plus anciens. Comme nous l'avons déjà dit, à peu de distance de Ilavsa se trouve un village bulgare, Osmanly; c’est là que les Turcs, quand ils sont revenus après la retraite des Bulgares, se sont vengés. On comptait cent quatorze maisons bulgares chrétiennes dans le village. Pas une seule n’a été épargnée. L'église a été brûlée et rasée : le membre de la Commission n’a pu voir que les traces de l'enceinte et les restes des murs. On venait de faire des fouilles à l'intérieur, mais on n’a pu retrouver que les débris de deux chandeliers. Le membre de la Commission, en cherchant dans les cendres, a découvert quelques bouts de papier à demi-brûlé; c’étaient des fragments de l'Evangile et de l’office du dimanche, en caractères grecs (fig. 17). La population s’était enfuie à Andri-nople et du côté de la frontière bulgare (c’est-à-dire vers Our-pacha). Le bétail était entièrement perdu. Quelques dizaines de villageois travaillaient pourtant à la moisson dans le village. Ils ont expliqué au membre de la Commission que les bœufs qu'ils employaient appartenaient aux Turcs venus des autres villages, et dont ils n’étaient, eux, que les métayers. Le village suivant est celui de Has-keuï. Là, même spectacle qu'à Ilavsa. Le quartier habité par les Bulgares (ici, on les appelle « Grecs » et ils chantent en grec à l'église) est resté intact, mais le bétail a été enlevé, ainsi que les produits de la récolte. Notre compagnon de voyage, qui était Turc, a émis l'hypothèse que le pillage avait pu être l’œuvre des « Bachi-bouzouks ». Mais le paysan présent, qui parlait bulgare avec le membre de la Commission, a