LES PAYSANS BULGARES ET L’ARMÉE GRECQUE 81 Mito Kolev est un petit garçon de quatorze ans, intelligent, originaire du village bulgare de Gavaliantsi, dans le district de Kukush. Il s’était enfui avec la plupart de ses voisins, de Kukush, sous le premier coup de la panique causée par la défaite bulgare, mais, le jour suivant, il revint pour chercher sa mère, qui était restée en arrière. Près du village, un soldat de la troupe lit feu sur lui et le manqua ; le petit eut l’esprit de se laisser tomber et de faire le mort. Comme il était étendu sur le sol, il vit le même cavalier tirer sur sa mère et la tuer. Il vit encore tuer un autre garçon et le même soldat se mettre à la poursuite d’une jeune infirme. De ce qu’il advint à cette jeune fille, Mito, qui fait clairement la distinction entre ce qu’il a vu et ce qu’il n’a que supposé, ne savait rien, mais un autre témoin (Lazar Tomov) a dit avoir aperçu le cadavre de la jeune fille (Annexe n° 25). Mito raconta aussi la suite de ses aventures, nettement et avec beaucoup de détails. Voici les points essentiels de ses déclarations : i° il vit brûler son village; 20 un autre cavalier grec, qu’il rencontra un peu plus tard, le tua presque, d’abord, d’un coup de revolver, puis, tout près de lui, d’un coup de sabre, tandis qu’il épargnait un des spectateurs à qui sa connaissance de la langue permettait de se faire passer pour Grec. La preuve matérielle du récit, ce sont les blessures que Mito portait encore. Un coup de feu peut être accidentel, mais un coup de sabre est toujours volontaire et ne peut se donner que de près. Un soldat qui blesse un petit garçon de son épée ne peut pas plaider la méprise. Il était évidemment en train de tout massacrer indifféremment. On peut donc affirmer sans réserve de cet escadron grec qu’il tirait sur les paysans bulgares à bout portant, sans épargner les femmes ni les enfants. Le témoignage qui se rapporte à Arkanjéli (Annexes nos 39 à !\i et 62 b) nous incline aux mêmes conclusions. Dans ce petit village bulgare, tout près du lac de Doïran, des réfugiés de maint village voisin, au nombre de 4-°00, dit-on, avaient fait halte, au cours de leur fuite. Un escadron grec d’environ 3oo hommes, officiers en tête, arriva là, entre 3 et 4 heures, le dimanche 6 juillet. Les villageois, conduits par leur prêtre, vinrent à sa rencontre en déployant le drapeau blanc et les couleurs grecques. L’officier causa avec leur maire, accepta leur soumission et leur ordonna d’abandonner toutes les armes qu’ils possédaient. Les paysans apportèrent aussi du pain et du fromage et trente moutons qu’on fit rôtir pour les troupes. Environ 60 ou 100 des hommes du village furent séparés des autres et conduits jusqu’à un bois, à quelque distance. On ne sait rien de leur sort. Les villageois croient qu’ils furent massacrés, mais nous avons quelque raison d’espérer qu’on les conduisit comme prisonniers à Salonique. Tandis qu’on ramassait les fusils, les soldats commencèrent à demander de l'argent aux hommes et aux femmes. On fouilla les femmes de la manière la plus indécente et la plus indigne. Un des témoins, 6