EXTERMINATION, ÉMIGRATION, ASSIMILATION 137 leur arrivée. Aussi, d'une manière générale, l'armée ennemie ne trouvait sur son chemin que des villages à demi déserts, quand ils n’étaient pas tout à fait abandonnés. Pour exécuter les ordres d’extermination qu'elle avait reçus, il lui suffisait d’y mettre le feu. Prévenue par la lueur des incendies, la population fuyait en toute hâte. Une véritable migration de peuples s’ensuivit, car, en Macédoine comme en Thrace, il n’v a guère eu d'endroit qui n’ait été, à un moment donné, sur le passage d’une armée quelconque. Ce second fait, la Commission l’a retrouvé partout sur son passage. Le long des chemins de fer, se succédaient d’interminables files de chariots, attelés de bœufs, suivis des familles des émigrants, et, aux environs des grandes villes, nous trouvions campés des groupes de fugitifs. La Commission visita un de ces camps (iig. 19, 20, 21), à Salonique, et se renseigna auprès du Comité islamique, qui se chargeait de transporter les réfugiés en Anatolie. C’étaient des émigrés turcs. Quelques-uns avaient quitté leurs villages depuis plusieurs semaines déjà, venant de Soundja, de Djou-maya-Bala, de Nevrocop, de Pétritche, de Razlog, de Demir-IIissar, d’Os-manié, de Bérovo, de Radoviche. de Tchakova, bref, de tous les points de la Macédoine. Au moment où la Commission se rendit à Salonique, au commencement de septembre, il était passé environ i35.ooo émigrés par cette ville depuis que la seconde guerre avait commencé. Chaque bateau partant pour l’Anatolie en emportait environ a.5oo à destination de Mersina, d’Adalia, d’Is-kendéroum. Pourquoi quittaient-ils leurs villages? La Commission voulut en apprendre la raison de leur propre bouche. Quelques-uns de ses membres se rendirent au camp sans guide et entrèrent en conversation avec des groupes détachés d’émigrés : « Qui êtes-vous, d’où venez-vous, pourquoi êtes-vous « partis? » — «Nous venons » — et le vieillard nous montrait de la main la plaine parsemée de chariots — « de vingt-six villages différents. Il nous a fallu « vingt-cinq jours pour arriver ici et en voilà dix que nous y sommes. Nous « avons eu peur des Bulgares. » — « Pourquoi? » Et nous entendîmes l’histoire que le lecteur a lue dans le chapitre sur la Thrace. — « Mais ceci se passait « pendant la première guerre : et maintenant? » — « Maintenant... les Grecs « nous ont donné l’ordre de partir... » — « Où allez-vous? Qui vous nourrit?» Silence. On ne peut ou ne veut rien dire. Au Comité islamique, on ne sait qu'une chose, c’est qu’on dépense tous les jours 5o livres turques pour acheter du pain. Depuis quatre jours, 3.000 hommes qui se rendaient en Anatolie ont eu leur voyage payé et l’on est à bout de ressources. En Bulgarie (fig. 22), les choses se sont passées de même. La Commission se rendit en plusieurs endroits où les émigrés étaient temporairement réfugiés : Djoumaya, Samokov, etc. Le Gouvernement a compté qu’il y eut jusqu’à