32 LES ORIGINES DES DEUX GUERRES BALKANIQUES Cette lutte, nous allons la trouver en Macédoine, dès les premiers jours de l’occupation serbe et grecque. Au premier moment, la joie fut générale et il y eut dans la population un élan de reconnaissance envers les libérateurs. Les révolutionnaires macédoniens eux-mêmes avaient prévu et favorisé ce sentiment. Ils disaient dans leur « Proclamation à nos frères », publiée par les délégués des vingt-cinq «confréries » de Macédoine, le 5 /18 octobre, c’est-à-dire au commencement même de la guerre : « Frères, vos souffrances et vos « peines ont touché le cœur de vos proches. Mus par le ¡devoir sacré de la « compassion fraternelle, ils viennent à votre secours, pour vous libérer du « joug turc. Ils ne veulent rien autre chose pour leur sacrifice que de rétablir « la paix et l’ordre sur notre sol natal. Venez donc avec des couronnes triom-« phales à la rencontre des braves chevaliers de la liberté. Couvrez leur « passage de fleurs et de gloire... Et soyez magnanimes envers vos maîtres « d'hier. En vrais chrétiens, ne leur rendez pas le mal pour le mal... Vive la « liberté ! Vive la brave armée libératrice ! » Et, en effet, l’armée serbe pénétra, au nord, et l’armée grecque, au sud de la Macédoine, aux cris de joie de la population. Mais bientôt cet enthousiasme pour les libérateurs fît place aux doutes, puis au désenchantement, qui, lui-même, finit par tourner en haine et en désespoir. Le journal bulgare de Salonique, Bulgarine, rend compte d’abord des « cas décourageants, dont le nombre fut encore accru par la présence d’in-« dividus, chauvins singuliers, qui offensaient le sentiment national du pays « en ne prenant conseil que d’eux-mêmes». « Le devoir impérieux des pou-if voirs d’occupation est de veiller attentivement sur la conduite des personnes « irresponsables. » Hélas! cinq jours après (20 novembre), le journal, dans son éditorial, se vit obligé de formuler, comme condition générale de la solidité de l’alliance, la demande aux pouvoirs d'occupation eux-mêmes d’être tolérants envers toutes les nationalités et de ne pas traiter certaines d'entre elles comme des ennemies. Quatre jours après, de nouveau, le journal, au lieu d'attaquer les « personnes irresponsables », dénonce les pouvoirs qui, « dans leur chau-« vinisme aveugle, ne comptent pas avec les sentiments nationaux des peuples « qui leur sont temporairement soumis ». Mais on garde l'espoir que les pouvoirs locaux agissent à l’insu de Belgrade. Le lendemain, le rédacteur donnait pour titre à son éditorial cette question adressée au Gouvernement allié : Est-ce la guerre de libération ou bien la guerre de conquête ? Il connut bientôt la réponse : les autorités grecques interdirent l’existence de ce journal bulgare dans leur ville de Salonique... Les occupants, eux aussi, avaient une illusion qui disparut devant la réalité. Le soldat serbe, comme le soldat grec, croyait fermement et naïvement qu’il rencontrerait, en Macédoine, des compatriotes, des hommes qui parleraient sa langue, qui lui crieraient jivio ou zito. Il trouva des hommes qui