38 LES ORIGINES DES 1)EUX GUERRES BALKANIQUES bre 1912 : « Le premier soin des officiers et des soldats grecs qui arrivent ici « est de chercher à savoir si la population d’un village donné et de ses alen-« tours est bulgare ou grecque. » Si la population est purement bulgare, les officiers ordonnent aux paysans de « redevenir Grecs : c’est la condition d'une vie paisible ». Evidemment, ici encore, on part de ce fait que toute la population dans le passé, a été grecque. — « Depuis quand êtes-vous devenus Bulgares ? » demandait, par exemple, l’officier grec à Khroupichta. — « Mais, depuis quelques années », lui répondait-on. — « Revenez donc aux temps anciens, redevenez Grecs », tel était son mot d’ordre. Et il y mettait encore beaucoup de douceur ! Dans le village de Gorno-Nestrame, quand la population répondit aux questions grecques en langue bulgare, l'officier grec cria avec colère : « Mi phonasété vourgarika : Ne parlez pas bulgare: nous sommes en Grèce, et que celui qui parle bulgare s’en aille en Bulgarie ! » Dans quelques villages, on posait la question ainsi : « Etes-vous chrétiens ou Bulgares? » Dans plusieurs villages, on faisait signer aux habitants des pétitions dont ils ne connaissaient pas le contenu, et qui, en réalité, étaient des demandes de réunion à la Grèce. « Quelle honte! disaient les gendarmes grecs à Gorno-Koufalovo (12/25 mars); « nous vous avons libérés ; la voix d’Alexandre le Grand vous appelle du « tombeau : ne l’entendez-vous pas? Et vous dormez encore, et vous vous « appelez toujours Bulgares ! » Mais où était donc cette armée bulgare qu’on invoquait en Macédoine et à laquelle on demandait de venir le plus tôt possible, si elle voulait retrouver la Macédoine encore bulgare? Nous avons vu qu’à la veille de la guerre, l’état-major bulgare insistait pour qu’on laissât libres ces 100.000 soldats qui, selon le traité, devaient combattre côte à côte avec les Serbes en Macédoine et pouvaient faire ainsi leur « condominium » réel après la conquête. C’était, évidemment, d'abord et avant tout, une nécessité stratégique impérieuse que de vaincre les Turcs en Thrace, sur le théâtre principal de la guerre. Mais, dès les premières victoires, qui refoulèrent les Turcs à Kirk-Kilissé, à Lulé-Bourgas, à Tchorlou, à Tchataldja, apparut une autre raison de continuer la guerre. Ici encore, on pouvait se demander, comme le demandait le rédacteur du journal bulgare à Salonique, dès la fin de novembre, si c’était la guerre de libération ou bien la guerre de conquête que l’on poursuivait. La guerre de libération, en effet, avait atteint son but à Lulé-Bourgas (3i octobre), à Salonique (27 octobre), à Monastir (18 octobre). Pourquoi verser le sang de dizaines de milliers d’hommes et dépenser tant d’argent, pourquoi poursuivre jusqu’à la prise d’Andrinople (i3 mars), de Yanina (24 février), de Durazzo et de Scutari (9 avril)? Cette question fut débattue longuement dans tous ses détails, à Belgrade, pendant les débats sur l’adresse, au commencement de novembre (nouveau style), et surtout à Sofia, pendant les trois semaines de la campagne