L’AFFAIRE D’ARKANCKl.l 309 savais pas ce qu'il y avait dessus. Probablement, il y avait écrit : « C’est une mère qui doit aller chercher sa fille pour nous la ramener ». Les soldats grecs virent que c’était ma fille, et non moi, qu’on voulait, et ma fille cria : « Maintenant, je suis perdue! » Les soldats me laissèrent le choix entre rester dans le village ou me rendre avec ma fille à Gevgheli. Je les suppliai de nous laisser ensemble là où nous étions jusqu’au lendemain matin, et ils y consentirent. Pendant la nuit, je m’enfuis avec ma fille, déguisée en garçon, jusqu’à un endroit situé à deux heures de là, et occupé par des soldats bulgares. Puis je me rendis moi-même à Gevgheli, et, tout de suite après, la seconde guerre éclata. « Les Bulgares prirent la ville, puis la laissèrent, et les Grecs y firent leur entrée. Au moment même où ils y entrèrent, ils se mirent à tuer partout dans les rues, au hasard. Un homme, nommé Anton Bakhardji, fut tué devant mes yeux. Je vis aussi une femme, nommée Héléna, tuer avec son revolver un riche Bulgare, appelé Hadji Tano. Uu autre, dont je ne sais pas le nom, fut blessé par un soldat. La panique s’ensuivit, ainsi qu’une fuite générale. En dehors de la ville, je rencontrai une quantité de soldats grecs, qui avaient avec eux, comme prisonnières, 16 jeunes filles bulgares. Toutes pleuraient et criaient; quelques-unes étaient dévêtues et quelques autres couvertes de sang. Les soldats étaient tellement occupés avec ces jeunes filles qu’ils ne nous dirent rien et nous laissèrent passer, en fuyant, à côté d’eux. En traversant le pont, sur le Vardar, nous vîmes des petits enfants qu’on avait abandonnés et une jeune fille qui gisait sur le sol et semblait morte. La cavalerie arrivait derrière nous. Nous n’avions pas le temps de lui porter secours. A une grande distance, une bataille se livrait; nous pouvions entendre le canon, mais personne ne tira le canon de notre côté. Pendant huit jours, nous nous sauvâmes vers la Bulgarie, et beaucoup moururent en chemin. Les soldats bulgares nous donnèrent du pain. Je retrouvai ma fille à Samakov. Ma seule consolation est de lui avoir sauvé l’honneur. » N° 44. Athanase Ivanov, de Kurtchevo,près de Demir-Hissar.— « Notre village est purement bulgare et se compose de ujo maisons. Je suis berger et je garde les troupeaux du village. Quand l’armée grecque approcha, la plupart des villageois s’enfuirent, mais je m’attardai et restai en arrière, pour voir si les miens étaient bien tous partis. Le 16 juillet, pendant que ma femme était en train de rassembler ses affaires, les soldats grecs arrivèrent. Quelques-uns d’entre eux dirent à une jeune femme, une de nos parentes, qui était devant la maison, d’aller leur chercher du pain. On avait déjà arrêté son mari ; j’entrai pour m’occuper d’elle. Je trouvai une sentinelle, la baïonnette levée, qui gar-