70 GRECS ET BULGARES deux par deux dans une salle du premier étage, où on les acheva, le plus souvent en les frappant à plusieurs reprises, à la tête et au cou, avec un couteau de boucher ou une baïonnette Martini. Chacun des bouchers se donnait pour tâche d’en tuer quatorze, ce qui semble être le nombre que chacun d’eux était capable d'enterrer pendant la nuit. Ils continuèrent de la sorte à massacrer à loisir jusqu’au vendredi 11. Les prisonniers comprenaient quelques soldats bulgares, quelques paysans arrêtés les armes à la main (voir le témoignage du villageois Lazarov, Annexe n° 20) et au moins un notable bulgare, Christo Dimitrov (Annexe n° 19), connu comme s'étant activement associé aux efforts des bandes bulgares. Toutefois, l’énorme majorité était des commerçants ou des paysans inoffensifs, dont le seul crime était d’être Bulgares. Parmi eux se trouvaient quatre femmes qu’on tua avec le reste. Le seul trait de pitié à citer fut qu’on relâcha cinq jeunes gens, en considération de leur jeunesse, quand ils eurent vu massacrer leurs pères sous leurs yeux (témoignage de Blagoï Petrov, Annexe n° 21). Nous ne nous appesantirons pas sur les détails barbares de cette boucherie : il en figure assez dans l’Appendice. Il nous faut anticiper, ici, sur la suite du récit pour expliquer que, de bon matin, le vendredi 17 juillet, des forces bulgares régulières, avec de la cavalerie et de l’artillerie légère, atteignirent Serrés, rencontrèrent la milice hors de la ville, la vainquirent et commencèrent vers midi à pénétrer dans la ville même. Il restait 60 ou 70 prisonniers bulgares vivants, et leurs gardiens, effrayés par le canon qu’ils entendaient à distance, se décidèrent à en finir rapidement. Deux au moins des prisonniers (Angelov et Liminov) réussirent à renverser leurs sentinelles et à s’échapper. Quelques-uns étaient attachés, d’autres, trop faibles ou trop terrifiés pour se sauver. On les conduisit au massacre par quatre et par cinq. Mais la tuerie laissa à désirer ce jour-là : une dizaine au moins des prisonniers tombèrent parmi les cadavres, grièvement blessés, mais toujours en vie. Ils reprirent connaissance au début de l’après-midi, comprirent que leurs bourreaux avaient fui, que la ville était en feu et que les troupes bulgares n’étaient plus loin. Dix d’entre eux sortirent de 1 école, au prix d’efforts infinis ; huit eurent assez de force pour arriver enfin en sûreté chez leurs compatriotes. La Commission a pu voir trois de ces Bulgares (fîg. 5) échappés au massacre de Serrés (Karanfilov, Dimitrov et Lazarov, Annexes nos 18, 19, 20), qui portaient tous les trois les cicatrices fraîches de leurs blessures. Ces blessures, surtout celles de la tête et du cou, n’avaient pu être faites que de près. C’étaient des blessures analogues à celles que ferait un boucher qui essaierait de tuer des hommes comme des moutons. Les témoignages de ces trois victimes, fournis séparément, concordent. Nous avons interrogé un quatrième témoin, le jeune Blagoï Petrov (Annexe n° 21) qui avait été relâché. Nous avons eu, de plus,