:82 GRECS ET BULGARES un riche habitant de Kukush, qui se trouvait attaché avec un réfugié dont il ne savait pas le nom, donna sa montre et cinq piastres, et eut la vie sauve. Son compagnon, qui n’avait rien sur lui, fut tué à ses côtés. Pendant qu’on s’emparait des armes, un des fusils, qui était chargé, partit et blessa un des officiers en train de le briser. Les soldats tuèrent alors deux jeunes garçons qui étaient debout à côté d’eux, probablement pour venger la malechance de leur officier. Vers le soir, les soldats pénétrèrent de force dans les maisons et commencèrent à violer les femmes. Un témoin atteste que ces viols furent publics ; ils avaient lieu dans les champs ou sur le bord de la route. Il en vit plusieurs. Un autre témoin, le boucher qui avait fait rôtir les moutons pour la troupe, vit violer deux jeunes femmes par trois soldats, à côté de son fourneau. L’infanterie arriva le lundi et mit le feu au village peu de temps après. Le dimanche soir et le lundi matin, quantité de paysans furent massacrés. Il est impossible d’en évaluer le nombre, car les témoins que nous avons interrogés étaient cachés et chacun ne voyait qu’une partie de ce qui se passait. Un témoin a parlé de 5o, mais c’était là, visiblement, une supposition. Nous avons sous les yeux une liste, de source bulgare, comprenant 356 paysans de 7 villages, ayant tous disparu et qu’on croit avoir été tués à Arkanjéli. Des Turcs des villages voisins prirent part au pillage, sous les ■yeux de l’armée grecque et de ses officiers. Ainsi donc, les faits qui ressortent clairement des dépositions sont les suivants : i° le village commença par se soumettre ; 20 il fut néanmoins pillé et incendié ; 3° les troupes grecques se laissèrent aller publiquement à une débauche de luxure ; 4° beaucoup de paysans furent tués froidement, sans aucune provocation. Il ne servirait à rien de charger de trop de récits ce compte rendu de la marche en avant des troupes grecques. On trouvera dans l’Appendice mainte autre déposition, et toutes donnent la même impression. Partout où les paysans se risquèrent à attendre dans leurs villages l’arrivée des soldats, ils le payèrent de la même façon. Le village fut pillé et incendié, pendant qu'on violait les femmes; les non-combattants furent froidement égorgés, quelquefois dix par dix, trois par trois, d’autres fois en foule. Nous tenons à appeler l’attention sur deux de ces récits et, en particulier, sur celui d’Anastasia Pavlowa, une vieille femme de la bourgeoisie, qui nous a conté sa douloureuse et dramatique histoire avec plus d’intelligence et de sentiment que la plupart des paysannes interrogées (Annexe n° 43). Comme ces dernières, elle fut violée, dépouillée, battue, assista au déshonneur d’autres femmes et au massacre des non-combattants. Son témoignage se rapporte à la prise de Ghevgheli. Ghevgheli, qui est une ville mixte, ne fut pas incendiée ; mais un Européen digne de foi et qui con-