LA GUERRE ET LES NATIONALITÉS et partout le même, fut l’extermination complète d’une population allogène. Dans certains cas, ce but s’est traduit par un « ordre » implacable et catégorique : tuer toute la population mâle des régions occupées. Nous possédons des lettres de soldats grecs dont l’authenticité ne peut être mise en doute, véritables documents qui, bien qu'écrits de nos jours, nous ramènent au temps de la conquête assyrienne : « Nous n’avons fait qu’un petit nombre de prison-« niers et les avons tués, car tels sont les ordres que nous avons reçus... afin « que cette sale race bulgare ne puisse pas renaître... » « Nous devons, tel est « l’ordre, brûler les villages, massacrer les jeunes et n’épargner que les vieil-« lards et les enfants1. » L’intention est évidente ici de n’épargner que ceux qui ne peuvent plus prolonger l’espèce ou ceux qui sont assez jeunes encore pour recevoir l’éducation grecque et perdre leur nationalité. En Turquie (nous l’avons vu en décrivant les événements des environs de Malgara et de la Thrace en général), il en fut de même. On sépara les hommes des femmes et des enfants et on les tua tous sans exception. Ici encore, le témoignage du soldat arabe chrétien précédemment cité démontre que, tout au moins dans certaines parties de l’armée turque ayant pris l’offensive, il y avait aussi un « ordre » de procéder systématiquement. Les ordres donnés aux armées slaves étaient peut-être un peu moins bar-Iwres. Mais il ne s’ensuit pas pourtant que l’on n’eût pas l’intention de se débarrasser de la population allogène, une fois le territoire conquis. On ne donnait pas d’« ordres d’extermination », on en donnait même de contraires (voir plus bas), mais, dans les conversations privées, 011 retrouvait toujours la même idée. Or. ce n’était pas seulement une façon de parler, et ce qui le prouve, c’est que la population turque eut à souffrir des Bulgares et la population albanaise davantage encore des Serbes. Les villages où tous les quartiers turcs furent brûlés et qu’un délégué de la Commission a visités en Thrace en sont la preuve en ce qui concerne les Bulgares. Quant aux Serbes, nous en avons un témoignage authentique, une lettre d'un militaire serbe publiée par le journal serbe socialiste Iiadnitchké Noviné du cj/ua octobre. Le contenu de cette lettre ne ressemble que trop à celui des lettres des soldats grecs. Il est vrai qu’il s'agit ici d’une expédition faite pour réprimer une révolte : « Mon cher ami, écrit le « militaire, je n'ai pas le temps de t’écrire longuement, mais je peux te dire « qu'il se passe ici des choses affreuses. J’en suis terrifié et je me demande sans « cesse comment les hommes peuvent être assez barbares pour commettre de « telles cruautés. C’est horrible. Je n’ose pas, — le temps, du reste, me fait « défaut, — t’en parler davantage, mais je peux te dire que Liouma (c’est une 1 Nous avons cité plus haut ;ch. II, p. 85) des extraits plus étendus de ces lettres. On trouvera les plus caractéristiques aux Annexes, n° 5i.